deux mains du colonel en lui faisant
presque violence:
--Soyez convaincu, dit-il, que je ne parle pas a l'etourdie, pour le
plaisir de bavarder. C'est sincerement que je vous felicite, sinon en me
placant a votre point de vue, au moins en restant au mien. Faut-il vous
dire que votre mariage avec mademoiselle Belmonte me desolait.
--Et pourquoi cela, monsieur?
--Parce que vous ne devez epouser qu'une Francaise.
--Mais qui a dit que je voulais me marier, je vous prie.
--Personne; seulement on a dit que si vous vous decidez maintenant, vous
deviez prendre une Francaise; voila tout. Vous etes une puissance en
ce monde, mon cher colonel; on doit compter avec vous. Eh bien! il est
d'une bonne politique de vous attirer et de vous gagner; je vous assure
qu'on est dispose a faire beaucoup pour cela. Ne resistez pas. Ce n'est
pas officiellement que je parle c'est officieusement; mais cependant
soyez assure que mes paroles sont serieuses on a pour vous de hautes
visees. Puis-je dire que je vous ai sonde a ce sujet et que je n'ai pas
trouve vos oreilles fermees? Je sais de source certaine qu'on desire
vous adresser une invitation. Etes-vous presentement en disposition de
l'accepter? Vous voyez que je parle net et sans detour. Que dois-je
repondre?
--Que vous avez trouve un homme tres touche de la sollicitude qu'on lui
temoigne et tres reconnaissant qu'on pense a lui, mais en meme temps
vous avez trouve aussi un homme incertain sur ce qu'il va faire, et qui
ne sait pas en ce moment si demain il ne sera pas en Allemagne, ou une
affaire importante l'appelle; dans ces conditions la reponse que vous
demandez est impossible a formuler, aussi vous a-t-il prie d'attendre
son retour.
Et sur ce mot le colonel, ayant vivement degage son bras, salua
Sainte-Austreberthe et le quitta.
Quelle jeune fille plus ou moins compromise voulait-on lui faire prendre
pour femme? Quelles influences voulait-on servir avec sa fortune?
A cette pensee, il voulut retourner sur ses pas pour retrouver
Sainte-Austreberthe et a son tour l'interroger. Le marche devait etre
curieux a connaitre. Il apportait sa fortune; que lui apportait-on en
echange?
Ah! chere petite Therese, quelle difference entre toi et tous ces gens!
Depuis trois ans qu'il etait en France, elle etait vraiment la seule qui
n'eut point vise cette fortune que tant d'autres avaient poursuivie ou
qu'ils poursuivaient encore par de honteux moyens.
Et precisement parce qu'il
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