Quand un agent passait devant lui pour sortir, il le saluait avec la
demonstration de la joie la plus respectueuse.
--Au revoir, disait-il, au plaisir de vous revoir; l'escalier est
mauvais, faites attention a la soixante-treizieme marche.
Enfin, le dernier agent sorti, Denizot put refermer la porte, et alors
il se mit a danser dans l'atelier.
--Enfoncee la police!
Et les copeaux, meles a la sciure de bois, souleves par ses pieds,
voltigeaient autour de lui.
Mais Sorieul l'arreta, declarant cette joie intempestive.
--Attends qu'Antoine soit sorti de France; s'ils n'ont pas pu le prendre
ici, ils vont le chercher ailleurs. Tu n'aurais pas du les exasperer par
tes plaisanteries.
--Je les attendrirai par mes larmes quand ils viendront vous arreter,
repondit Denizot; car on arretera tout le monde bientot.
--Quand aurons-nous des nouvelles de mon pere? demanda Therese.
--Il faut attendre, repondit Sorieul; le colonel trouvera moyen de nous
faire savoir indirectement ce qui se sera passe.
--Pourvu que mon cousin soit chez lui!
Une heure environ apres que les gens de police eurent quitte la rue de
Charonne, un commissionnaire sonna a la porte de l'hotel Chamberlain.
Malgre l'heure matinale le concierge voulut bien ouvrir. Mais, quand
il apprit qu'il s'agissait de porter une lettre a M. Horace et qu'on
attendait la reponse, il poussa les hauts cris.
--Ce n'est plus seulement le soir, c'est encore le matin maintenant;
rentre a minuit, on le relance des le petit jour, on le tuera.
Cependant il consentit a faire remettre la lettre, et dix minutes apres
Horace descendit pour dire au commissionnaire qu'il allait porter
lui-meme la reponse demandee.
En effet, il se dirigea vers un petit cafe de la rue du
Faubourg-Saint-Honore; la il trouva Antoine Chamberlain attable dans un
coin et tournant le dos a la lumiere.
Comme il allait pousser une exclamation, Antoine mit un doigt sur les
levres. Alors Horace s'avanca discretement et s'assit en face d'Antoine.
--Le colonel est-il chez lui? demanda celui-ci.
--Oui.
--Eh bien! je vous prie de l'eveiller et de lui dire de venir me trouver
ici. On a voulu m'arreter pour affaires politiques, et j'ai besoin de le
voir. Ne l'accompagnez pas, donnez-lui le numero de ce cafe, et qu'il ne
vienne qu'apres avoir fait un detour, de peur d'etre suivi.
Une demi-heure apres, le colonel entra a son tour dans le cafe et vint
s'asseoir a la table de son oncle.
Il
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