us ne soyons pas deranges. Au reste, a ce moment de la journee, je ne
suis visible pour personne, et Ida est sortie.
Ils entrerent dans le salon, ou, sur une table devant la cheminee, entre
les deux baies communiquant avec la serre, etaient disposees des liasses
de lettres.
C'etaient quelques-unes de ces lettres que le baron voulait soumettre
au colonel, pour avoir son sentiment sur la solvabilite et surtout la
valeur morale de ceux qui les avaient ecrites.
En plus de la parfaite concordance dans l'heure, il y avait encore
un point decisif dans le plan du baron: il fallait qu'au moment ou
Carmelita entrerait dans la serre, le colonel et lui gardassent le
silence dans le salon; car, si Carmelita entendait la voix du colonel,
il etait bien certain que, malgre la surprise que lui causerait la
brusque arrivee de Beio, elle ne parlerait pas.
Quand on se poste pour surprendre les gens, il est facile de garder
le silence; mais ce n'etait point la le cas du colonel, et il etait
impossible de lui dire franchement: Taisez-vous.
Le baron avait prevu cette difficulte et il avait trouve un moyen pour
la tourner.
Tout d'abord, apres avoir fait asseoir le colonel devant la table
chargee de lettres et de maniere a faire face a la serre, il prit ces
lettres et d'une voix forte il adressa ses questions au colonel en lui
nommant les personnes sur lesquelles il desirait etre renseigne.
Il suivait l'aiguille sur le cadran de la pendule, il avait encore six
minutes pour etre bruyant.
Ce qui devait arriver se realisa: le colonel repondit que parmi les noms
qu'on lui citait, il y en avait plusieurs qu'il ne connaissait pas.
Le baron se montra vivement contrarie.
--Je suis un bien mauvais negociant, dit le colonel en riant, et puis
ces personnes habitent Cincinnati, et mes relations avec cette ville
n'ont jamais ete bien frequentes.
--Cependant vous connaissez M. Wright, le pere de cette delicieuse jeune
fille avec laquelle j'ai dine chez vous.
--Sans doute, mais....
--Est-ce que M. Wright ne pourrait pas vous renseigner a ce sujet?
interrompit le baron, presse par l'heure.
--Ah! assurement, et je lui demanderai volontiers ce que vous desirez
savoir.
--Si vous vouliez....
--Quoi donc?
--Me donner une lettre d'introduction aupres de M. Wright, je lui
demanderais moi-meme ces renseignements.
--Vous n'avez pas besoin d'une lettre d'introduction, il me semble.
--Si, je prefere une lettre non-seulement d'i
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