u; trouble, bouleverse, affole par ce qu'il
venait d'entendre.
Decidement le baron avait bien fait de risquer cette tentative hardie,
et qui pouvait meme paraitre au premier abord desesperee. Il ne s'etait
pas trompe dans ses observations. Beio aimait Carmelita et il avait
entretenu l'esperance de l'obtenir pour femme.
Et le baron, rentrant chez lui satisfait de sa journee, alla embrasser
tendrement sa fille.
--Cette chere enfant, c'etait pour elle qu'il travaillait, et
l'esperance de la voir heureuse lui donnait des idees. Elle aurait la
fortune du Colonel Chamberlain et il administrerait cette fortune.
S'appuyant, se haussant sur elle, ou ne parviendrait-il pas? Et le
prince Mazzazoli, qui se flattait d'avoir cette fortune! Qu'en aurait-il
fait, le pauvre homme! Et puis franchement, est-ce que ce brave colonel
Chamberlain meritait d'avoir pour femme une Carmelita, une chanteuse!
Allons donc! C'etait venir en aide a la Providence que d'empecher ce
mariage. Avec Ida le colonel serait l'homme le plus heureux du monde:
c'etait pour le bonheur de tous qu'il agissait, au moins de ceux qui
meritent le bonheur.
Il pria sa fille de se mettre au piano:
--Joue-moi du Mozart, dit-il; j'ai besoin d'entendre une musique simple
et pure.
Et, pendant une heure, il resta a ecouter cette musique qui accompagnait
delicieusement sa reverie.
Le lendemain matin, a son lever, on lui annonca qu'un monsieur, dont on
lui remit la carte, l'attendait depuis longtemps deja.
Ce monsieur, c'etait Lorenzo Beio.
Le baron n'avait pas l'habitude de se livrer a des mouvements de joie
intempestifs, cependant il ne put pas s'empecher de se frotter les
mains.
Il avait reussi. Beio, de qui il avait si longtemps attendu une parole,
etait la pret a parler.
--A mon tour maintenant, se dit le baron, de le voir venir.
XVI
Malgre le desir qu'il avait d'entendre ce que Lorenzo venait lui dire,
il ne le recut pas aussitot.
Il y avait toutes sortes d'avantages a lui donner la fievre par
l'impatience de l'attente; il parlerait avec moins de retenue et se
livrerait plus facilement.
Il se mit a decacheter son courrier, mais sans le lire, classant
seulement les lettres devant lui.
Lorsqu'il eut forme des liasses assez grosses pour bien montrer qu'il
avait ete absorbe par le travail, il sonna.
On introduisit Beio, grave et solennel.
Se levant vivement, le baron alla au-devant de lui, et s'excusa de
l'avoir fait si longtemps
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