a vous.
Beio tira lentement une lettre de sa poche, et il la tint un moment avec
embarras dans sa main, avant de pouvoir se decider a repondre.
--Je n'ose vraiment, dit-il enfin.
--Vous n'osez me demander de remettre cette lettre a Carmelita? dit le
baron.
Beio inclina la tete et avanca la main qui tenait la lettre.
Le baron eut un frisson de joie, cependant il ne prit pas la lettre.
--Vous me refusez? dit Beio.
--Non, certes, et c'est me faire injure de croire que je puis reprendre
ma parole. Je vous ai promis mon concours, je suis a vous. Si vous me
voyez hesitant, c'est que je me demande si cette lettre produira l'effet
que vous attendez, si elle rompra ce mariage et vous rendra Carmelita.
Ecrire est bien, mais parler est mieux.
--Et comment voulez-vous que je parle? ou le voulez-vous?
-Ou? ici. Que diriez-vous, si je vous menageais une entrevue avec
Carmelita?
--Vous feriez cela?
--Oui, je le ferai. Ce n'est pas une lettre qui vous rendra celle que
vous aimez et qui vous aime: il faut que vous lui parliez; il faut
qu'elle vous voie, qu'elle vous entende. Que ne peut obtenir la voix de
celui qu'on aime? Vous lui parlerez donc ici meme. Comment? je n'en sais
rien encore; mais je trouverai un moyen, soyez-en certain. Quand je
l'aurai trouve, le vous previendrai. Jusque-la, tout ce que je vous
demande, c'est de vous tenir en paix et de rester a ma disposition.
--Ah! monsieur le baron, s'ecria Beio tremblant d'emotion; comment
reconnaitrai-je jamais ce que vous faites pour moi?
Le baron lui prit les deux mains, et les lui serrant affectueusement:
--Mon Dieu, mon ami, qu'est-ce que je veux? Le bonheur de tous: le
votre, celui de Carmelita et aussi celui de mon brave et cher colonel.
Que je vous voie heureux, et je serai paye de ma peine. A bientot!
XVII
Beio parti, le baron se demanda s'il avait eu raison de ne pas prendre
la lettre que celui-ci voulait lui confier. Assurement il y avait des
avantages a la tenir entre ses mains; car, sans savoir ce qu'elle
contenait, il etait bien certain que ce n'etait point une lettre
innocente. Beio parlait de son amour et de l'engagement pris par
Carmelita; assure que Carmelita serait seule a lire cette lettre, il
s'exprimait en toute franchise, entraine par la passion. Remise au
colonel, elle serait plus que suffisante pour l'eclairer.
Et cependant il ne l'avait pas prise.
Pour chercher le mieux, n'avait-il pas laisse echapper l'occasion q
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