her; tout ce qui me passe par l'esprit, tout
ce que je pense des gens, je le dis. Voila comme je suis fait. Est-ce
bien? est-ce mal? ce n'est pas la question. Je suis ainsi. Eh bien! ce
que je me suis dit souvent, c'est que le mari qui convenait a Carmelita,
c'etait....
Le baron fit une pause, en s'arretant et en forcant Beio a s'arreter
aussi et a le regarder en face.
--Je me suis dit que c'etait... vous.
--Moi?
--Oui, vous, vous-meme, et je vais vous expliquer comment cette idee
m'est venue et sur quoi elle repose. Cela ne vous ennuie point, n'est-ce
pas?
Les yeux, les levres, les mains tremblantes de Beio, son attitude, toute
sa personne, repondirent pour lui.
--Qu'est-ce en realite que Carmelita? continua le baron. Une creature
placee par la Providence dans une classe a part et au-dessus des autres;
en un mot et pour tout dire, une artiste, creee, nee artiste, Qu'etes
vous vous-meme? Aussi un artiste, et des plus remarquables; mais bien
different de Carmelita, qui a recu tous les dons dont elle est si riche,
de la nature, tandis que vous devez beaucoup au travail et a l'art. Mais
cela importe peu, et le point de depart est l'essentiel. Ce point vous
est donc commun et vous rapproche l'un de l'autre, sympathiquement il
vous unit. Vous me direz que d'un autre cote des choses vous separent.
C'est juste et je n'en disconviens pas. Cependant il ne faut pas
s'exagerer leur importance, au contraire, il faut reconnaitre ce
qu'elles ont de factice.
Ainsi ne pensez pas que pour moi j'aie ete dupe des raisons mises
ostensiblement en avant par le prince pour expliquer le travail de
Carmelita; j'ai vu clair sous ces raisons. Le prince, desesperant de
realiser le beau mariage qu'il poursuivait depuis longtemps pour sa
niece, pensait a la faire debuter au theatre. Est-ce vrai?
Beio ne repondit rien a cette interrogation directe.
--Vous ne voulez pas livrer un secret qui vous a ete confie, j'approuve
cette discretion; mais, que cous confirmiez ou ne confirmiez pas ce que
je vous dis la, il n'en est pas moins certain que c'est la verite.
Alors rien d'etonnant a penser, n'est-ce pas? que Carmelita, entrant au
theatre, vous prenait pour guide et pour soutien. Toutes les raisons
de famille et de noblesse, ecartees de fait pour le theatre, l'etaient
naturellement pour le mariage. Vous avez vu, vous voyez en ce moment que
mon besoin de tout dire m'entraine parfois a d'etranges confidences.
Cette idee de mariage entre
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