ois! Je m'etonnerais du contraire.
M. DE NANCE
--Je serais bien heureux, madame, que tout le monde pensat comme vous;
mais l'infirmite de mon pauvre enfant le rend si timide! Il est si
habitue a se voir l'objet des railleries et de l'aversion de tous les
enfants, qu'il doit etre heureux de se voir fete et embrasse par vos
bonnes et charmantes petites filles.
--Pauvre enfant! dit Mme de Cemiane en le regardant avec
attendrissement.
Les enfants s'etaient rapproches. Gabrielle et Christine tenaient
chacune une main du petit garcon qu'elles faisaient courir, et qui riait
de tout son coeur de cette course forcee.
GABRIELLE
--Maman, le petit garcon nous a dit qu'on se moquait de lui et que
personne ne voulait l'embrasser. Pourquoi? il est tres bon et tres
gentil.
Mme de Cemiane ne repondit pas; le petit Francois la regardait avec
anxiete; M. de Nance soupirait et se taisait egalement.
CHRISTINE:
--Monsieur, pourquoi se moque-t-on du petit garcon?
M. DE NANCE
Parce que le bon Dieu a permis qu'il fut bossu a la suite d'une chute,
mes enfants; et il y a des gens assez mechants pour se moquer des
bossus, ce qui est tres mal.
GABRIELLE
Certainement, c'est tres mal; ce n'est pas sa faute s'il est bossu, il
est tres bien tout de meme.
--Ou donc est-il bossu? Je ne vois pas, dit Christine en tournant autour
de Francois.
Le pauvre Francois etait rouge et inquiet pendant cette inspection de
Christine.
"Mon Dieu! mon Dieu! pensait-il, si elle voit ma bosse, elle fera comme
les autres, elle se moquera de moi!"
Mme de Cemiane etait embarrassee pour faire finir Christine sans que M.
de Nance s'en apercut: Gabrielle commencait aussi a examiner le dos de
Francois, lorsque Christine s'ecria:
"Voila! voila! je vois! C'est la, sur le dos! Vois-tu Gabrielle?"
GABRIELLE
--Oui, je vois; mais ce n'est rien du tout. Pauvre garcon! tu croyais
que nous nous moquerions de toi? Ce serait bien mechant! Tu n'as plus
peur, n'est-ce pas? Comment t'appelles-tu? Ou est ta maman?
FRANCOIS
--Je m'appelle Francois; maman est morte, je ne l'ai jamais vue: et
voila papa avec votre maman.
CHRISTINE
--Comment, c'est ce monsieur qui est ton papa?
M. DE NANCE
--Pourquoi cela vous etonne-t-il, ma bonne petite?
CHRISTINE
--Parce que vous etes tres grand et lui est si petit, vous etes maigre
et lui est si gras.
MADAME DE CEMIANE
--Quelle betise tu dis, Christine! Est-ce qu'un enfant est jamais gra
|