et lacha Christine. Une main de
fer l'avait saisie a son tour et la fit pirouetter en la dirigeant vers
la porte avec accompagnement de formidables coups de pied. C'etait M.
des Ormes, qui, inapercu de Paolo et de Christine, etait entre par une
porte du fond, et, assis dans une embrasure de fenetre, assistait a la
lecon. Quand Mina fut expulsee de l'appartement, M. des Ormes rassura
Christine tremblante et serra la main de Paolo.
M. DES ORMES
--Ma pauvre Christine, est-ce qu'elle te traite quelquefois aussi
rudement que tout a l'heure.
CHRISTINE
--Toujours, papa: mais ne lui dites rien, je vous en supplie: elle me
battrait plus encore.
M. DES ORMES
--Comment, plus? Elle te bat donc quelquefois?
CHRISTINE
--Oh oui! papa, avec une verge qui est dans son tiroir.
--Miserable! scelerate! dit M. des Ormes, pale et tremblant de colere.
Oser battre ma fille!
--Monsieur le comte, dit Paolo, si vous permettez, ze pounirai la dona
Furiosa a ma facon; ze la foustizerai comme un rien.
M. DES ORMES
--Merci. monsieur Paolo; cette punition ne convient pas en France.
Je vais en causer avec ma femme; continuez votre lecon a la pauvre
Christine, qui est depuis plus de deux ans avec cette megere.
M. des Ormes entra chez sa femme; elle pensa qu'il venait appele par
Mina.
--Vous voila, mon cher! Je vous ai prie de venir pour que vous parliez
au cuisinier, qui refuse a Christine son dejeuner; et grondez-le, je
vous en prie; ca m'ennuie de gronder, et cette Mina est si assommante
avec ses plaintes continuelles.
M. DES ORMES
--Mina est une miserable; je viens de decouvrir qu'elle battait
Christine.
MADAME DES ORMES
--Allons! en voila d'une autre. Comment croyez-vous ces sottises, et qui
vous a fait ces contes?
M. DES ORMES
--C'est moi qui ai vu et entendu de mes yeux et de mes oreilles.
MADAME DES ORMES
--Mais puisque, au contraire, Mina s'est plainte que le cuisinier ne
donnait pas a Christine son chocolat! Elle prend donc le parti de
Christine!
M. DES ORMES
--Que m'importe les plaintes de Mina? Je l'ai vue et entendue traiter
Christine et Paolo comme elle ne devrait pas traiter une laveuse de
vaisselle, et je suis venu vous prevenir que je l'ai chassee du salon et
que je la chasserai de la maison.
MADAME DES ORMES
--Encore un ennui; une bonne a chercher! Pourquoi vous melez-vous des
bonnes? Est-ce que cela vous regarde?
M. DES ORMES
--Ma fille me regarde, et, a ce titre,
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