donne comme vous me pardonnez, bonne Christine. Dieu m'a
bien puni de mes mechantes moqueries a l'egard du bon Francois. Je riais
de votre amitie pour lui, de votre genereuse defense contre mes ignobles
attaques. A present je comprends le bonheur d'etre aime et defendu par
un ami, et j'envie son heureux sort d'avoir une amie telle que vous.
CHRISTINE
--Moi! je suis une pauvre petite amie qui doit tout a Francois et a M.
de Nance! Sans eux, je serais ignorante, sotte, mechante.
MAURICE
--Ignorante, peut-etre! Mais sotte et mechante, jamais.
--Bonjour, mon bon Maurice, dit M. de Nance qui entrait. Vous voila
bien mieux, mon ami; et votre courage se soutient; je sais par Francois
combien vous etes patient, resigne et... ameliore, pour tout dire.
MAURICE
--C'est Francois qui m'a fait du bien par sa bonte, monsieur. Moi qui
avais ete mechant pour lui, et lui...
M. DE NANCE
--Ne parlons pas du passe, mon ami; et profitons du present. Venez nous
voir souvent; nous sommes tres heureux ici, Ma petite Christine est
gaie comme un pinson, douce comme une colombe et bavarde comme une pie:
j'entends, une pie bien elevee et raisonnable, ce qui la rend tres
agreable et jamais incommode.
Christine sourit et baisa la main de M. de Nance. Maurice voulut lui
prendre le bras, car il marchait peniblement avec ses jambes tortues;
le premier mouvement de Christine fut de ceder a sa repugnance et
de reculer; mais, rencontrant le regard peine de Francois, elle se
rapprocha et tendit son bras a Maurice.
MAURICE
--Vous aimez peut-etre mieux courir ou marcher en liberte, Christine?
CHRISTINE
--Non, non, je vais vous aider a marcher; cela me fera plaisir.
Appuyez-vous bien, Maurice, n'ayez pas peur; je peux vous soutenir.
MAURICE
--Bonne Christine, serez-vous aussi mon amie comme vous l'etes de
Francois?
CHRISTINE
--Comme de Francois, jamais. Je ferai ce que je pourrai pour vous, je
vous aiderai, je vous amuserai, je vous rendrai des services. Mais pour
Francois, c'est autre chose. Je ne peux aimer personne comme j'aime
Francois et M. de Nance.
Francois etait enchante de cette declaration si franche de Christine;
Maurice redevenait triste; bientot il se plaignit d'eprouver de la
fatigue, et on rentra; apres une demi-heure de conversation, il se leva,
dit adieu a tout le monde et s'en alla. Christine courut a lui, lui
offrit son bras; il l'accepta en souriant tristement.
--Christine, dit-il en la quitta
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