ulez-vous oune si grande fatigue pour
la Signora Isabella, et pour votre ser papa qui se relevait la nuit pour
voir ce pauvre garcon? Et moi donc, qui vous voyais tous miserables, et
qui avais les lecons toutes deranzees? "Pas de mousique auzourd'hui,
Paolo, Maurice me demande de rester. Pas de zeographie, Paolo, Maurice
veut zouer aux cartes; il s'ennouie." Vous croyez que c'est zouste,
ca; que c'est agreable de voir mes pauvres eleves ainsi deranzes? Et
pouis..., et pouis... tant d'autres sozes que ze ne veux pas dire.
CHRISTINE
--Quoi donc, Paolo? Dites, qu'est-ce que c'est! Mon cher Paolo, dites-le
nous.
PAOLO
--Eh bien! ze vous dirai que ce pauvre Signor Maurice vous empecait de
vous promener, de zouer, de courir, de causer, et que vous etiez si
bons, si zentils pour lui... Ecoutez bien ce que dit Paolo!... non pas
parce que vous aviez de l'amour pour ce garcon, mais parce que... vous
aviez de l'amour pour le bon Dieu, et que vous etes tous les deux bons,
sarmants et saritables. Est-ce vrai ce que ze dis?
FRANCOIS
--Chut! Paolo. Pour l'amour de Dieu, ne dites pas ca; ne le dites a
personne.
PAOLO, content
--Eh! eh! on pourrait bien le dire a Signor de Nance.
FRANCOIS
--A personne, personne! Je vous en prie, je vous en supplie, mon bon,
bon Paolo.
PAOLO, hesitant
--Moi,... ze veux bien,... mais...
CHRISTINE
--Le jurez-vous? Jurez, mon cher Paolo.
-Ze le zoure! dit Paolo en etendant les bras.
A force de raisonnements pareils, Paolo finit par les distraire. M. de
Nance etait oblige a de frequentes absences pour les obseques du pauvre
Maurice et pour venir en aide aux malheureux parents. Aussitot apres
l'enterrement, M. et Mme de Sibran retournerent a Paris, ou ils avaient
leur fils Adolphe et toute leur famille.
A Nance on reprit la vie habituelle, tranquille, occupee, uniforme et
heureuse. Pourtant la mort du pauvre Maurice attrista pendant longtemps
leurs soirees d'hiver.
XXIV
SEPARATION, DESESPOIR
L'ete suivant ramena M. et Mme des Ormes et la bande joyeuse et dissipee
que M. de Nance continua a eviter. Leurs relations avec Christine
ne furent ni plus tendres ni plus frequentes. Ils semblaient avoir
entierement abandonne leur fille a M. de Nance. Cette position bizarre
dura quelques annees encore; Christine arriva a l'age de seize ans et
Francois a vingt. Christine etait devenue une charmante jeune personne,
sans etre pourtant jolie; grande, elancee, gracieuse et
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