, disait-elle, ma tante a peur que la lettre de ma
mere ne vous chagrine. Je suis bien sure, moi, que vous n'en eprouverez
aucune peine par rapport a moi. Je vous dois tout depuis huit ans, je
continuerai a tout vous devoir, cher bien-aime pere; bien loin de m'en
trouver humiliee, j'en ressens plutot du bonheur et de l'orgueil; ma
reconnaissance est plus solide et ma tendresse plus vive. Je suis votre
creation et votre bien, et je vous reste telle que vous; m'avez recue
de mes parents. Quand donc reviendrez-vous, cher pere? Quand donc
pourrai-je vous embrasser avec mon cher Francois? Je viens de lui ecrire
la reconnaissance dont mon coeur est rempli pour vous comme pour lui. Il
faut qu'il vous lise ma lettre, afin de prendre votre bonne part de
ma tendresse. Adieu, pere cheri; je vous attends chaque jour, presque
chaque heure! Que je voudrais savoir l'heure de votre retour! Je vous
embrasse, cher pere, encore et toujours, avec mon bien cher Francois.
J'embrasse; aussi notre bon Paolo."
"Votre fille, CHRISTINE".
Le lendemain du depart de cette lettre, elle recut celle de Francois
annoncant leur arrivee pour le jour suivant; elle fit part a Isabelle
de cette bonne nouvelle, et obtint de sa tante la permission d'aller a
Nance, avec Isabelle et Gabrielle, pour tout preparer au chateau; elles
devaient y passer la journee, y diner, si c'etait possible, et ne
revenir chez sa tante que le soir. Elle et Gabrielle furent enchantees
de cette permission; Bernard voulut aussi les accompagner, mais elles
lui dirent qu'il les generait dans leurs occupations de menage.
--Alors, dit-il, je vais m'enfermer pour achever mon cadeau a Francois.
CHRISTINE
--Quel cadeau? Que lui destines-tu?
BERNARD
--C'est un secret.
CHRISTINE
--Pas pour moi, qui suis la femme de Francois!
BERNARD
--Pour toi comme pour Gabrielle, comme pour tout le monde. Adieu,
curieuse; au revoir.
Christine, qui avait retrouve toute sa gaiete, rit avec Gabrielle du
pretendu mystere de Bernard. En arrivant dans la cour, Christine poussa
un cri de joie; elle avait apercu le cuisinier.
--Mallar! s'ecria-t-elle, mon cher Mallar, vous voila revenu? Ils
reviennent demain; a quelle heure?
MALLAR
--A deux heures, mademoiselle, ils seront ici.
CHRISTINE
--Quelle joie, quel bonheur! Je viendrai les attendre, Pouvez-vous nous
donner a diner aujourd'hui Mallar, a ma cousine, a Isabelle et a moi?
MALLAR
--Certainement, mademoiselle; seuleme
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