nt je prierai ces dames de
m'excuser si le diner est un peu mesquin, n'ayant pas beaucoup de temps
pour le preparer.
CHRISTINE
--Cela ne fait rien, mon bon Mallar: donnez-noua ce que vous pourrez.
Allons, vite a l'ouvrage, Gabrielle; nous avons beaucoup a faire et pas
beaucoup de temps.
Elles travaillerent toute la journee a ranger les meubles, a mettre en
ordre les affaires de M. de Nance et de Francois, a orner le salon de
fleurs, a decouvrir et epousseter les bronzes et les tableaux de prix,
a ranger et essuyer les livres, a faire marcher les pendules, etc. Les
heures s'ecoulerent rapidement; l'heure du diner approchait. Christine
emmena Gabrielle dans la bibliotheque, qui etait le cabinet de travail
de M. de Nance.
--Pauvre bon pere! dit Christine en s'asseyant dans le fauteuil de M. de
Nance, que de fois nous sommes venus ici, Francois et moi, le deranger
de son travail! Quand je passais mon bras autour de son cou, il
m'embrassait et me regardait si tendrement, que je me sentais heureuse
de rester la, la tete sur son epaule. Gabrielle, je prie le bon Dieu de
t'envoyer le bonheur qu'il me donne: un Francois pour mari, un M. de
Nance pour pere.
GABRIELLE
--Pour rien dans le monde, je n'epouserais un infirme, ma pauvre
Christine.
CHRISTINE
--Qu'importe, chere Gabrielle? Si tu connaissais Francois comme je le
connais, tu ne songerais pas plus a son infirmite que je n'y songe, et
tu l'aimerais comme je l'aime!
GABRIELLE
--Oh non! par exemple! Pense donc que tu ne pourras jamais aller avec
lui au bal, au spectacle!
CHRISTINE
--Je deteste bals et spectacles.
GABRIELLE
--Tu ne pourras pas du tout aller dans le monde.
CHRISTINE
--Je deteste le monde; il m'attriste et m'ennuie.
GABRIELLE
--Tu ne pourras pas aller aux promenades ni dans les environs.
CHRISTINE
--Je n'aime que les promenades que peut faire Francois, et je deteste
les environs.
GABRIELLE
--Mais tu ne pourras meme pas avoir du monde chez toi.
CHRISTINE
--Je n'ai besoin de personne que de Francois et de mon pere; toi,
Bernard et tes parents, vous ne comptez pas comme monde, et je vous
verrai sans craindre les moqueries pour mon pauvre Francois.
GABRIELLE
--Enfin, je ne sais, mais un mari infirme est toujours ridicule; tu ne
pourras seulement pas lui donner le bras; il a un pied de moins que toi.
CHRISTINE
--S'il est ridicule aux yeux du monde, c'est pour moi une raison de
l'aimer davantage, d
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