es deux longues annees.
XXV
DEUX ANNEES DE TRISTESSE
Lorsque Christine se trouva seule avec la superieure, qu'elle fut
assuree de ne plus revoir M. de Nance ni Francois, son courage faiblit
et elle se laissa aller a un desespoir qui effraya la superieure: elle
parla a Christine, mais Christine ne l'entendait pas; elle la raisonna,
l'encouragea, mais ses paroles n'arrivaient pas jusqu'au coeur desole de
Christine. Ne sachant quel moyen employer, la superieure la mena a la
chapelle du couvent.
--Priez, mon enfant, lui dit-elle; la priere adoucit toutes les peines.
Rappelez-vous les sentiments si religieux de votre pere et de votre
frere. Imitez leur courage, et n'augmentez pas leur douleur en vous
laissant toujours aller a la votre.
Christine tomba a genoux et pria, non pour elle, mais pour eux; elle
ne demanda pas a souffrir moins, mais que les souffrances leur fussent
epargnees. Elle se resigna enfin, se soumit a son isolement, et se
promit de revenir chercher du courage aux pieds du Seigneur, toutes les
fois qu'elle se sentirait envahie par le desespoir. Quand la superieure
revint la prendre. Christine pleurait doucement; elle etait calme et
elle suivit docilement la superieure dans la chambre qui lui etait
destinee; elle y trouva Isabelle, arrivee depuis quelques instants, qui
lui donna des nouvelles du depart de M. de Nance, de Francois et de
Paolo; elle lui redit les paroles de Paolo, lui peignit la douleur et
l'abattement de Francois et de son pere; Christine trouva une grande
consolation a se retrouver avec Isabelle, qui partageait ses sentiments
douloureux et ses affections.
Les premiers jours se trainerent peniblement. Christine n'avait pas
encore de lettres; elle ecrivait tous les jours, et recut enfin une
premiere lettre de Francois: lui aussi etait triste, se sentait isole et
malheureux; le lendemain M. de Nance lui donna quelques details sur
leur etablissement, et la correspondance continua ainsi, animee et
interessante.
Six mois apres, Mme de Cemiane revint chez elle apres une absence de
six annees; son premier soin fut d'aller voir sa niece et de lui mener
Bernard et Gabrielle; les deux cousines ne se reconnurent pas, tant
elles etaient metamorphosees; Gabrielle etait aussi grande que
Christine, mais brune, avec des couleurs tres prononcees, des yeux noirs
et vifs, les traits delicats; c'etait une fort jolie personne. Bernard
etait devenu un grand garcon de dix-neuf ans, bon, intelligent,
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