leur ecrive, si cela t'embarrasse?
CHRISTINE
--Oh oui! ma tante. Je vous remercie; vous etes bien bonne. C'est
dommage que Gabrielle et Bernard soient sortis; j'aurais voulu leur
faire voir de suite la lettre de mon pere.
MADAME DE CEMIANE
--Ils ne tarderont pas a rentrer.
CHRISTINE
--Et je vais vite repondre a mon cher pere, et vite envoyer ma lettre a
la poste.
Christine rentra et repondit ce qui suit a M. de Nance:
"Mon cher, cher pere, que je vous remercie, que vous etes bon! que je
suis heureuse! Vous voulez donc bien que je sois la femme de notre cher
Francois; vous voulez bien que je sois votre fille, votre vraie fille?
Et pourquoi, mon pere, mon cher pere, m'avez-vous laissee toute seule a
pleurer et a me desoler pendant deux ans? Et pourquoi, vous et Francois,
ne m'avez vous pas demande plus tot ce que vous me demandez aujourd'hui?
Si je n'etais si heureuse, je vous gronderais, mon bon, cher, bien-aime
pere de ce que je viens d'apprendre par Isabelle, et de ce que je vous
raconterai plus tard: mais je n'ai que de la joie, du bonheur dans le
coeur, et je n'ai pas le courage de gronder... Je n'ai pas meme relu ce
que voua me dites du pretendu sacrifice que je vous fais. Ce que vous
appelez plaisirs du monde est pour moi d'un ennui mortel; la vie que
vous me decrivez est precisement celle que j'aime, que je desire; votre
tendresse a tous deux est mon seul, mon vrai bonheur, et je n'ai besoin
d'aucune distraction a ce bonheur. Ce que vous dites de l'infirmite
de Francois n'a pas de sens pour moi; je l'aime comme il est; je l'ai
toujours aime ainsi et je l'aimerai toujours. Avec vous et lui, je ne
desirerai rien, je ne regretterai rien. Ne me quittez jamais, c'est tout
ce que je vous demande en retour de ma vive tendresse. Je vous prie
instamment, mon pere cheri, de vous mettre en route de suite apres la
lecture de ma lettre. Si vous attendez ma reponse avec impatience, vous
jugez avec quels sentiments je vous attends. Si je m'ecoutais, j'irai
moi-meme vous porter cette reponse; mais je comprends que ce serait
ridicule aux yeux du sot monde que vous me soupconnez de pouvoir
regretter.
"Au revoir donc sous peu de jours, mon pere cheri; je n'appelle plus
Francois que mon mari dans mon coeur, et je suis aujourd'hui sa femme
devouee et affectionnee. Bientot je signerai CHRISTINE DE NANCE. Que
je serai heureuse! Je vous embrasse, mon pere, mille et mille fois, et
Francois aussi.
"J'oublie que je
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