nne et heureuse vie est
finie; il faut nous separer... Ma Christine, tu vas nous quitter.
CHRISTINE, avec effroi
--Vous quitter?... Vous quitter? Vous, mon pere? toi, mon frere? Oh
non!... non... jamais!
M. DE NANCE
--Il le faut pourtant, ma fille cherie; ta mere te met au couvent, parce
que moi je suis oblige de mener Francois finir ses etudes dans le Midi,
et que je ne puis t'y mener avec moi.
--Ma mere me met au couvent! Ma mere m'enleve mon pere, mon frere, mon
bonheur! s'ecria Christine en tombant a genoux devant M. de Nance. O mon
pere, vous qui m'avez sauvee tant de fois, sauvez-moi encore; gardez-moi
avec vous!
Francois releva precipitamment Christine, la serra contre son coeur, et
mela ses larmes aux siennes. M. de Nance tomba dans un fauteuil et cacha
son visage dans ses mains. Tous trois pleuraient.
--Mon pere, dit Christine en se mettant a genoux pres de lui et en
passant un bras autour de son cou, pendant que de l'autre main elle
tenait celle de Francois, mon pere, votre chagrin, vos larmes, les
premieres que je vous aie jamais vu repandre, me disent assez qu'une
volonte plus forte que la votre dispose de mon existence et me voue
au malheur, j'obeirai, mon pere; je ne serai plus heureuse que par le
souvenir; je penserai a vous, a votre tendresse, a votre bonte, a mon
cher, mon bon Francois; je vous aimerai tant que je vivrai, de toute mon
ame, de toutes les forces de mon coeur, j'ai ete, grace a vous, a vous
deux, heureuse pendant huit ans. Si je ne dois plus vous revoir,
j'espere que le bon Dieu aura pitie de moi, qu'il ne me laissera pas
longtemps dans ce monde. Francois, mon frere, mon ami, n'oublie pas ta
Christine, qui eut ete si heureuse de consacrer sa vie a ton bonheur.
Francois ne repondit que par ses larmes aux tendres paroles de
Christine.
--Comment pourrai-je vivre sans toi, ma Christine? lui dit-il enfin en
la regardant avec une tristesse profonde.
CHRISTINE
--La vie n'a qu'un temps, cher Francois... Et, se penchant a son
oreille, elle lui dit bien bas:
--Ayons du courage pour notre pauvre pere, qui souffre pour nous plus
que pour lui-meme.
Francois lui serra la main et fit un signe de tete qui disait oui.
--Mon pere, dit Christine en baisant les mains et les joues inondees de
larmes de M. de Nance, mon pere, le bon Dieu viendra a notre secours;
il nous reunira peut-etre. Qui sait si cette separation n'est pas notre
bonheur a venir? M. de Nance releva vivement l
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