allons jouer la Belle au bois
dormant. C'est moi qui fais la BELLE. Tous ces messieurs ont declare
que personne ne remplirait ce role mieux que moi. Ces dames etaient
furieuses. Mais ils ont dit que les bras etaient tres en evidence, car
je serai dans un fauteuil, les bras pendants; on dit que j'ai de tres
beaux bras... Comment trouvez-vous mes bras?
M. DE NANCE, froidement.
--Probablement tres beaux, madame; mais je ne m'y connais pas.
--Mon pere, vous me demandez!... s'ecria Christine, qui arrivait en
courant le croyant seul. Ah!
Christine venait d'apercevoir sa mere, que les dernieres paroles de M.
de Nance avaient mise de mauvaise humeur.
MADAME DES ORMES
--A qui parlez-vous, si haut, Christine? Croyez-vous entrer dans une
ecurie?
CHRISTINE
--Pardon, maman: on m'avait dit que M. de Nance me demandait. Je le
croyais seul.
MADAME DES ORMES
--Et pourquoi l'appelez-vous votre pere?
CHRISTINE
--Maman, papa m'a permis d'appeler M. de Nance, mon pere, parce qu'il
est si bon pour moi...
MADAME DES ORMES
--Ah! Ah! ah! la bonne idee! Dieu! que c'est bete a M des Ormes!
M. de Nance s'apercut que les choses allaient tourner mal pour la pauvre
Christine interdite, et il crut devoir intervenir.
M. DE NANCE
--Christine est d'une reconnaissance excessive du peu que je fais pour
elle, madame. Elle croit la mieux temoigner en m'appelant son pere.
Comment pourrai-je oublier qu'elle est votre fille, qu'elle me vient
de vous; qu'en m'occupant d'elle, c'est a vous que je rends service;
qu'elle est pour moi un souvenir perpetuel de vous?
--Mme des Ormes, enchantee, serra la main de M, de Nance, baisa
Christine au front.
--Tu as bien raison, Christine, aime-le bien... et appelle-le ton pere,
car il est cent fois meilleur que ton vrai pere. Au revoir cher monsieur
de Nance; je viendrai tres souvent vous voir. Et ne craignez pas que
je vous enleve Christine: non, non; puisque vous y tenez, gardez-la en
souvenir de moi. Adieu, mon ami.
M. de Nance la salua profondement et la reconduisit jusqu'a sa voiture.
Elle y etait deja montee et M. de Nance s'en croyait debarrasse,
lorsqu'elle sauta a terre et remonta le perron.
--Et Paolo que j'oublie! Christine, va me le chercher... Dieu! qu'elle
est grande, cette fille! dit Mme des Ormes en la regardant courir pour
executer l'ordre de sa mere. C'est vraiment ridicule d'avoir une fille
si grande pour son age; elle est encore grandie depuis mon retour,
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