entir sa visite.
MADAME DES ORMES
--Eh bien! Monsieur de Nance; eh bien! mon cher esclave Paolo; eh bien!
Christine, vous ne me dites rien?
M. de Nance salua froidement et sans mot dire. Paolo salua gauchement et
devint rouge comme une pivoine. Christine alla embrasser sa mere, mais
Mme des Ormes arreta une demonstration dangereuse pour son col garni
de dentelles et pour sa coiffure emmelee de fausses nattes et de faux
bandeaux; elle lui saisit les mains, lui donna un baiser sur le front;
et, la regardant avec surprise:
--Comme tu es grandie! Je suis honteuse d'avoir une fille si grande! Tu
as l'air d'avoir dix ans! Et je les ai, maman, depuis huit jours.
MADAME DES ORMES
--Quelle folie! Toi, dix ans! Tu en as huit a peine!
CHRISTINE
--Je suis sure que j'ai dix ans, maman.
MADAME DES ORMES
--Est-ce que tu peux savoir ton age mieux que moi? Je te dis que tu as
huit ans, et je te defends de dire le contraire. Puisque j'ai a peine
vingt-trois ans, tu ne peux avoir plus de huit ans.
Personne ne repondit; elle mentait et se rajeunissait de dix ans, car
elle s'etait mariee a vingt-deux ans, et Christine etait nee un an apres
son mariage.
--Monsieur de Nance, continua-t-elle, je vous remercie d'avoir garde
Christine si longtemps; elle a du bien vous ennuyer.
M. DE NANCE
--Au contraire, Madame, elle nous a fait passer un hiver et un printemps
fort agreables.
MADAME DES ORMES
--En verite! Mais... alors,... si vous vouliez la garder jusqu'au retour
de mon mari? J'ai tant a faire, tant a arranger dans ce chateau! J'ai
tout justement besoin de l'appartement de Christine, car j'attends
beaucoup de monde, Je serais obligee de la mettre dans les mansardes, et
la pauvre petite serait tres mal. Et puis elle s'ennuierait a mourir,
car je ne peux la laisser descendre au salon quand j'ai quelqu'un! Elle
est trop grande pour..., pour perdre son temps. Vous me la rendrez quand
je serai seule.
M. DE NANCE
--Donnez-la moi, Madame, quand vous voudrez et le plus que vous pourrez;
mon fils et moi, nous sommes heureux de l'avoir.
MADAME DES ORMES
--Votre fils? Ah oui! c'est vrai! C'est ce joli petit la-bas. A la bonne
heure! Il ne grandit pas comme une perche lui! il ne vous fait pas vieux
par sa taille. Adieu, cher Monsieur! Paolo, venez avec moi; j'ai besoin
de vous. Adieu, Christine.
Mme des Ormes fit quelques pas, puis revint.
--A propos, Christine, tu n'as pas besoin de venir me voir chez m
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