uoi faire Signor!
elle va me relancer partout; a Arzentan, ce vous, partout!
M. de Nance riait a se tenir les cotes; il calma le pauvre Paolo, lui
expliqua ce que Mme des Ormes voulait de lui, et qu'elle serait la vie
qu'il menerait a Paris. Paolo fremit, pria M. de Nance de le cacher
jusqu'apres le depart de sa persecutrice et de lui permettre de venir
passer quelques jours chez lui, de peur que Mme des Ormes ne le fit
enlever a Argentan. M. de Nance lui promit secours et protection,
consentit volontiers a le garder tant qu'il voudrait rester a Nance, et
lui demanda ou il avait dine.
PAOLO
--Noulle part, Signor! Cette femme m'a fait perdre la tete et l'appetit.
M. DE NANCE
--Vous aller diner ici, mon pauvre Paolo. Je vais dire qu'on vous
prepare a diner et a coucher.
Pendant que Paolo tremblait d'etre enleve, Mme des Ormes se fachait et
grondait tous ses gens pour avoir laisse echapper ce pauvre Paolo. Elle
commanda qu'on allat au petit jour a Argentan, et qu'on le lui ramenat
de gre ou de force; mais le lendemain la carriole revint sans Paolo,
qu'on n'avait pu trouver nulle part. Grande colere de Mme des Ormes,
qui n'avait plus le temps d'aller a sa recherche: elle partit furieuse,
arriva de meme et trouva a redire a tout ce que son mari avait fait
dans l'appartement; elle donna divers ordres contraires a ceux qu'avait
donnes M. des Ormes, et, aussitot arrivee, elle annonca qu'elle aurait
une grande soiree dans quinze jours, vers le 15 decembre. Et des le
lendemain elle commenca sa vie dissipee et tourbillonnante visites,
emplettes, diners, spectacles, soirees, se couchant a trois et
quatre heures du matin, se levant a midi, une vie de femme du monde,
c'est-a-dire de folle. Elle se mit a organiser les charades, mais elle
trouvait difficilement des acteurs et actrices. Quand on sut qu'elle
voulait faire le role d'Esther, personne ne voulut faire Assuerus. Dans
son desespoir, elle ecrivit a Paolo:
"Mon cher, mon bon Paolo, je vous demande de grace de me donner huit
jours. Prenez demain le chemin de fer; descendez chez moi, dans mon
hotel, rue de la Femme-Sans-Tete, 18. Je ne vous garderai que huit jours
au plus; et comme je ne veux pas vous faire perdre l'argent que vous
font gagner vos lecons, je vous donnerai cinq cents francs le jour de
votre depart. J'ai absolument besoin de vous; sans vous, ma fete est
manquee. Si vous me refusez, je ne vous reverrai de ma vie et je vous
defendrai de voir Christine.
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