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Christine le regarda attentivement.
CHRISTINE
--Francois... ils t'ont fait quelque mechancete, et tu ne veux pas le
dire. Je le vois a ton air embarrasse.
--Et tu as devine, Christine, dit M. de Nance en riant. Ils ne lui ont
pas dit un mot, pas repondu un oui ou un non; ils ne l'ont pas regarde.
Et Francois veut y retourner.
CHRISTINE
--Tu es trop bon, Francois! Je t'assure que tu es trop bon. Ne
trouvez-vous pas, cher monsieur?
M. DE NANCE
--On n'est jamais trop bon, ma petite Christine, et rarement on l'est
assez. En retournant chez Maurice et Adolphe, Francois fait un double
acte de charite, il rend le bien pour le mal, et il visite des
malheureux qui souffrent et qui ont longtemps a souffrir encore, surtout
Maurice. Cette seconde visite les touchera peut-etre; et, s'ils voient
souvent Francois, ils deviendront probablement meilleurs.
CHRISTINE
--C'est vrai cela; on est toujours meilleur quand on a passe quelque
temps avec Francois et avec vous... Et c'est pourquoi je serais si
contente de ne jamais vous quitter tous les deux!.., Si vous vouliez?...
--Pauvre chere enfant, dit M. de Nance en l'embrassant, n'y pense pas;
c'est impossible.
CHRISTINE
--Quand je serai vieille, et que je serai ma maitresse, je viendrai chez
vous et j'y resterai toujours.
M. DE NANCE
--Alors, nous verrons; nous avons le temps d'y penser. En attendant, va
jouer avec Francois; j'ai a travailler.
CHRISTINE
--Qu'est-ce que vous faites? A quoi travaillez-vous?
M. DE NANCE
--Tu es une petite curieuse. Je travaille a un livre que tu ne comprends
pas.
CHRISTINE
--Vous croyez? Je crois, moi, que je comprendrai. De quoi parlez-vous?
M. DE NANCE
--De l'education des enfants, et des sacrifices qu'on doit leur faire.
CHRISTINE
Ce n'est pas difficile a comprendre. Il faut faire comme vous, voila
tout. Je comprends tres bien tous les sacrifices que vous faites
a Francois. Je vois que vous restez toujours a la campagne pour
l'education de Francois; que vous ne voyez que les personnes qui peuvent
etre utiles ou agreables a Francois; que vous me laissez venir si
souvent vous deranger et voua ennuyer chez vous, pour Francois; que vous
m'apprenez a etre bonne et pieuse, pour Francois; que voua m'aimez enfin
pour Francois; que vous...
M. DE NANCE, l'embrassant.
--Assez, assez, chere enfant; tu es trop modeste pour ce qui te regarde
et trop clairvoyante pour le reste. Dans l'origine, je t'ai a
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