le serrant dans ses bras. Dis-moi pourquoi tu pleures.
FRANCOIS
--C'est le depart de ma bonne qui me fait du chagrin mais je suis bien
content qu'elle soit avec toi; elle t'aimera; tu seras heureuse, aussi
heureuse que j'ai ete heureux avec elle.
CHRISTINE
--Mais alors... pourquoi l'as-tu laissee partir de chez toi?
FRANCOIS
--Pour que tu sois heureuse. Parce que je craignais pour toi une autre
Mina.
CHRISTINE, l'embrassant.
--Francois, mon bon cher Francois! que tu es bon! Comme je t'aime: Je
t'aime plus que personne au monde! Tu es meilleur que tous ceux que
je connais! Pauvre Francois! cela me fait de la peine de te causer du
chagrin.
Et Christine se mit a pleurer. Isabelle fit de son mieux pour les
consoler tous les deux, et elle y parvint a peu pres.
Au bout d'une demi-heure, Francois fut oblige de s'en aller. Christine
demanda a Isabelle de le reconduire jusque chez lui, mais l'heure etait
trop avancee; il fallait s'habiller et partir pour aller diner chez Mme
de Guilbert.
--Nous nous retrouverons dans deux heures, dit Christine a Francois; et
tu verras aussi ta bonne parce que maman a dit qu'on me remmenerait a
neuf heures et que ce serait ma bonne qui viendrait me chercher.
"Quel bonheur!" dit Francois qui partit en carriole avec Paolo et le
domestique, apres avoir bien embrasse sa bonne et Christine, et tout
console par la pensee de les revoir toutes deux le soir meme.
Isabelle commenca la toilette de Christine, et sans la tarabuster, sans
lui arracher les cheveux, elle l'habilla et la coiffa mieux que ne
l'avait jamais ete la pauvre enfant. Elle remercia sa bonne avec
effusion, l'embrassa, lui dit encore combien elle etait heureuse de
l'avoir pour bonne et voulut aller joindre sa maman. Elle ouvrait la
porte, lorsque M. des Ormes entra.
M. DES ORMES
--Comment! deja prete? Qui est-ce qui t'a habillee? Comme te voila bien
coiffee? Avec qui es-tu ici?
CHRISTINE
--Avec ma bonne, papa; c'est elle qui m'a coiffee et habillee.
M. DES ORMES
--Quelle bonne? d'ou vient-elle? Que veut dire ca? (Encore une sottise
de ma femme, pensa-t-il). J'en avais une qu'on m'a recommandee et
que j'attends depuis le dejeuner. Je suis fachee, madame, dit-il en
s'adressant a Isabelle, que vous soyez installee ici sans que j'en aie
rien su; mais je ne puis confier ma fille a une inconnue, et je vous
prie de ne pas vous regarder comme etant a mon service.
ISABELLE
--Je croyais vous obliger
|