la bonne me regarde aussi. Quant
a ce chocolat, je parie que c'est quelque mechancete de Mina.
MADAME DES ORMES
--Vous accusez toujours Mina; verifiez le fait; parlez au cuisinier.
M. DES ORMES
--C'est ce que je vais faire, ici, et devant vous.
MADAME DES ORMES
--Non, non, pas devant moi, je vous en prie; c'est a mourir d'ennui, ces
querelles de domestiques.
M. DES ORMES
--C'est plus qu'une querelle de domestiques, du moment qu'il s'agit de
votre fille.
M. des Ormes avait sonne; la femme de chambre entra.
M. DES ORMES
--Brigitte, envoyez-nous le chef ici, de suite.
Cinq minutes apres, le chef entrait.
LE CHEF
Monsieur le comte m'a demande?
M. DES ORMES
--Oui. Tranchant; ma femme voudrait savoir s'il est vrai que voue ayez
refuse ce matin a Mina le chocolat de Christine.
LE CHEF
--Oui, monsieur le comte; c'est tres vrai.
M. DES ORMES
--Et comment vous permettez-vous une pareille impertinence?
LE CHEF
--Monsieur le comte, Mlle Christine venait de manger son chocolat dans
l'office.
M. DES ORMES
--Dans l'office! Ma fille dans l'office! Qu'est-ce que tout cela? Je n'y
comprends rien.
LE CHEF
--Je vais l'expliquer a monsieur le comte, qui comprendra parfaitement.
Mlle Christine ne mange jamais son chocolat.
M. DES ORMES
Pourquoi cela?
--Parce que c'est Mlle Mina qui l'avale pendant que Mlle Christine mange
du lait froid et son pain sec. Ce matin, la pauvre petite mam'selle (qui
nous fait pitie a tous, par parenthese) est venue chercher son pain et
son lait; je l'ai cachee dans l'office pour qu'elle mangeat son chocolat
une fois en passant, et quand Mlle Mina est venue le chercher, je l'ai
refuse. Voila toute l'affaire.
M. DES ORMES
--Pourquoi pensez-vous que Christine ne mange pas son chocolat le matin?
LE CHEF
--Parce que la servante a vu bien des fois comment ca se passait, et que
Mlle Christine nous l'a dit elle-meme.
M. DES ORMES
--C'est bien, Tranchant, je vous remercie; vous avez bien fait, mais
vous auriez du me prevenir plus tot.
LE CHEF
--Monsieur le comte, on n'osait pas.
M. DES ORMES
--Pourquoi?
LE CHEF
--Monsieur le comte, c'est que.., madame... n'aurait pas cru... et...
monsieur comprend... on avait peur de... de deplaire a madame.
Tranchant sortit. M. des Ormes, les bras croises, regardait sa femme
sans parler. Mme des Ormes etait confuse, embarrassee, et gardait le
silence.
--Caroline, dit enfin M. des O
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