cheveux (crepus et d'un
noir indecis). M. et Mme de Cemiane souffraient du ridicule qu'elle se
donnait; les autres s'en amusaient et s'extasiaient sur les beautes
qu'elle leur signalait et qu'ils n'auraient pas apercues sans son aide.
Pendant ce temps, les enfants, au nombre de huit s'amusaient et
causaient dans un salon a cote. Maurice et Adolphe de Sibran examinaient
avec une curiosite moqueuse le pauvre Francois, qu'ils ne connaissaient
pas encore; Helene et Cecile de Guilbert chuchotaient avec eux et
jetaient sur Francois des regards dedaigneux.
--Qui est ce drole de petit bossu? demanda Maurice a Bernard.
BERNARD
--C'est un ami que nous voyons depuis deux ans environ, et qui est tres
bon garcon.
MAURICE
--Bon garcon, j'en doute; les bossus sont toujours mechants; aussi il
faut les ecraser avant qu'ils vous ecorchent, et c'est ce que nous
faisons, Adolphe et moi.
BERNARD
--Celui-ci ne vous ecorchera ni ne vous mordra: vous repete qu'il est
tres bon.
MAURICE
--Bah! bah! laissez donc. Mais faites-nous faire connaissance avec lui.
BERNARD
--Tres volontiers, si vous voulez etre bons pour lui.
MAURICE
--Soyez tranquille, nous serons tres polis et tres aimables.
BERNARD
--Francois, voici Maurice et Adolphe de Sibran qui veulent faire
connaissance avec toi.
Francois s'approcha de Bernard et tendit la main main aux deux Sibran.
"Bonjour, bonjour, mon petit, dirent-ils presque ensemble; vous etes
bien gentil, et je pense que vous savez deja parler et causer".
Francois regarda d'un air etonne et ne repondit pas.
--Je ne sais pas votre nom, continua Maurice, mais je le devine sans
peine: vous etes sans doute parent d'un homme charmant qui s'appelait
Esope et qui est tres celebre par une excroissance qu'il avait sur le
dos.
--Et sur la poitrine aussi, repondit Francois en souriant; et vous savez
sans doute, messieurs, puisque vous etes si savants, que son esprit est
aussi celebre que sa bosse; et, sous ce rapport, je vous remercie de la
comparaison, tres flatteuse pour moi.
Tout le monde se mit a rire; Maurice et son frere rougirent, parurent
vexes et voulurent parler, mais Christine s'ecria:
--Bravo, Francois! C'est bien fait! Ils ont voulu te faire une
mechancete, et ce sont eux qui sont rouges et embarrasses.
MAURICE
Moi! rouge, embarrasse? Est-ce qu'un jeune homme comme moi (il avait
douze ans) se laisse intimider par un pauvre petit de cinq a six ans
tout au plu
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