-Mais la personne qui t'a appris a lire ne te donne-t-elle pas des
lecons?
CHRISTINE
--Personne ne m'a appris; Gabrielle et Bernard m'ont un peu fait voir
comment on lisait, et puis j'ai essaye de lire toute seule.
--Moi, z'apprendrai beaucoup a la signorina, dit Paolo, qui ecoutait
toujours les conversations des enfants. Moi, ze viendrai tous les zours,
et signorina saura italien, latin, mousique, dessin, mathematiques,
grec, hebreu, et beaucoup d'autres encore.
CHRISTINE
--Vraiment, monsieur Paolo, vous voudrez bien? Je serais si contente
de savoir quelque chose! Mais demandez a maman; je n'ose pas sans sa
permission.
-Oui, signorina; z'y vais; et vous verrez que ze ne souis pas si bete
que z'en ai l'air.
Et s'approchant de Mme des Ormes qui causait avec M. de Nance:
--Signorina, bella, bellissima, moi, Paolo, desire vous voir tous les
zours avec vos beaux ceveux noirs de corbeau, votre peau blanc de lait,
vos bras souperbes et votre esprit magnifique; et ze demande, signora,
que ze vienne tous les zours; ze donnerai des lecons a la petite
signorina; ze serai votre serviteur devoue, ze dezeunerai, pouis ze
recommencerai les lecons, pouis les promenades avec vous, pouis vos
commissions, et tout.
MADAME DES ORMES
--Ah! ah! ah! quelle drole de demande! Je veux bien, moi; mais si vous
donnez des lecons a Christine, il faudra un tas de livres, de papiers,
de je ne sais quoi, et rien ne m'ennuie comme de m'occuper de ces
choses-la.
Paolo resta interdit; il n'avait pas prevu cette difficulte. Son air
humble et honteux, l'air afflige de Christine, toucherent M. de Nance,
qui dit avec empressement:
--Vous n'aurez pas besoin de vous en occuper, madame; j'ai une foule de
livres et de cahiers dont Francois ne se sert plus, et je les donnerai a
Christine pour ses lecons avec Paolo.
MADAME DES ORMES
--Tres bien! Alors venez, mon cher monsieur Paolo, quand vous voudrez et
tant que vous voudrez, puisque vous etes si heureux de me voir.
PAOLO
--Merci, signora; vous etes belle et bonne; a demain.
Et Paolo se retira, laissant Christine dans une grande joie. Francois
enchante de la satisfaction de sa petite amie, M. de Nance heureux
d'avoir fait a si peu de frais le bonheur de la bonne petite Christine,
de Paolo et surtout de son cher Francois; quand ils furent seuls,
Francois remercia son pere avec effusion du service qu'il rendait a la
pauvre Christine, dont il lui expliqua l'abandon. Il lui rac
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