--Non, non, ce n'est pas ca? dit Paolo en secouant la tete; il y a autre
chose... Dites le vrai; Paolo sera discret, ne dira rien a personne.
FRANCOIS
--Eh bien! c'est parce que Gabrielle etait embarrassee et que voua la
tourmentiez; j'ai voulu la delivrez.
PAOLO
--Vous avez entendu ce qu'elles ont dit.
FRANCOIS
--Oui, tout; mais il ne faut pas qu'elles le sachent.
PAOLO
--Et vous venez au secours de Gabrielle? c'est bien ca! c'est bien! Ze
vous ferai grand comme le signor papa! Vous verrez.
Francois se mit a rire; il ne croyait pas a la promesse de Paolo, mais
il etait reconnaissant de sa bonne volonte.
La peche continua quelque temps, peche miraculeuse, car ils prirent en
deux heures plus de cent ecrevisses, grace a Paolo et a Francois, qui
placaient bien les pechettes, et qui saisissaient les ecrevisses au
passage. La journee s'acheva tres heureusement pour tout le monde; Mme
des Ormes, enchantee d'avoir deux personnes de plus a inviter, fut
charmante pour M. de Nance, qu'elle engagea a venir diner chez elle le
surlendemain avec Francois; M. de Nance allait refuser, quand il vit le
regard inquiet et suppliant de son fils; il accepta donc, a la grande
joie de Christine et de son ami Francois. Mme des Ormes invita Paolo,
qui salua jusqu'a terre pour temoigner sa reconnaissance; M. et Mme de
Cemiane promirent aussi de venir avec Bernard et Gabrielle. En s'en
allant, Mme des Ormes permit a Christine de se mettre dans la caleche,
sa toilette ne devant plus etre menagee; Christine etait si contente de
sa journee, qu'elle ne pensa a sa bonne qu'en descendant de voiture;
heureusement que la bonne n'etait pas rentree et que Christine, aidee de
la femme de Daniel, eut le temps de se deshabiller, de se coucher et de
s'endormir avant le retour de Mina.
V
ATTAQUE ET DEFENSE
Le lendemain, sa vie de misere recommenca; habituee a souffrir et a se
taire, elle se consola par la pensee du diner du lendemain, qui devait
la reunir a sa cousine et a son ami Francois. Mme des Ormes fut tres
agitee le jour du diner; elle avait une toilette elegante a preparer,
une coiffure nouvelle a essayer, les apprets du diner a surveiller. Un
nouveau cuisinier qui n'avait pas encore fait de grands galas, lui
donnait de vives inquietudes; elle craignait que quelque chose ne fut
pas bien; elle fit une douzaine de descentes a la cuisine, des visites
innombrables a l'office, brouillant tout, grondant les domestiques, leur
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