olo sourit et saisit les pechettes oubliees; il les arrangea, les
placa tres habilement et attendit patiemment les ecrevisses; elles ne
tarderent pas a arriver en foule, si bien que lorsque Bernard leva sa
pechette en criant d'un air triomphant:
"J'en ai trois!"
Paolo leva les siennes et s'ecria avec une voix retentissante:
"Z'en ai dix-houit et des souperbes!"
BERNARD
--Dix-huit! Pres de ce rocher? Pas possible!
Bernard et Gabrielle coururent aux pechettes de Paolo, et compterent en
effet dix-huit belles ecrevisses.
--C'est vrai, dit Gabrielle, M. Paolo a raison.
--Et Bernard a eu tort! dit Christine a Gabrielle en s'eloignant. Il
a fait de la peine a ce pauvre M. Paolo, qui est tres bon et tres
complaisant.
GABRIELLE
--Oui, mais il est si ridicule!
CHRISTINE
--Qu'est-ce que ca fait, s'il est bon?
GABRIELLE
--C'est vrai, mais c'est tout de meme ennuyeux d'etre ridicule.
CHRISTINE
--Gabrielle, est-ce que tu n'aimes pas Francois?
GABRIELLE
--Si fait, mais je ne voudrais pas etre comme lui.
CHRISTINE
--Et moi, je le trouve si bon, que je l'aime cent fois plus que Maurice
et Adolphe de Sibran, qui sont si beaux.
GABRIELLE
--Pas moi, par exemple; Francois est bon, c'est vrai; mais quand il y a
du monde, je suis honteuse de lui.
CHRISTINE
--Moi, jamais je ne serai honteuse de Francois, et je voudrais etre sa
soeur pour pouvoir etre toujours avec lui.
GABRIELLE
--Je serais bien fachee d'avoir un frere bossu!
CHRISTINE
--Et moi, je serais bien heureuse d'avoir un frere si bon!
--Signorina Christina dit bien, fait bien et pense bien, dit Paolo, qui
s'etait approche d'elles sans qu'elles le vissent.
GABRIELLE
--Comme c'est vilain d'ecouter, monsieur Paolo, Vous m'avez fait peur.
PAOLO, avec malice
--On a toujours peur quand on dit mal, signorina.
GABRIELLE
--Je n'ai rien dit de mal. Vous n'allez pas raconter tout cela a
Francois, je l'espere bien?
PAOLO
--Pourquoi? Puisque vous n'avez rien dit de mal!
GABRIELLE
--Non, certainement; mais tout de meme je ne veux pas que Francois sache
ce que nous avons dit.
PAOLO
--Pourquoi? puisque...
FRANCOIS
--Monsieur Paolo, monsieur Paolo, venez m'aider, je vous prie, a prendre
les ecrevisses et les mettre dans une terrine couverte.
PAOLO
--Pourquoi vous m'appelez, puisque c'est fini, signor Francesco?
FRANCOIS, rougissant
--Parce que j'avais besoin de vous..., de votre aide.
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