les enfants coururent a la maison pour se nettoyer et
arranger leurs cheveux. Le diner se passa gaiement, grace a l'aventure
de l'Italien, que Mme de Cemiane avait presente a son mari, et a
l'appetit vorace du pauvre Paolo, qui ne se laissait pas oublier. Quand
le roti fut servi, il n'avait pas encore fini l'enorme portion de
fricassee de poulet qui debordait son assiette. Le domestique avait deja
servi a tout le monde un gigot juteux et appetissant, pendant que Paolo
avalait sa derniere bouchee de poulet; il regardait le gigot avec
inquietude; il le devorait des yeux, esperant toujours qu'on lui en
donnerait. Mais, voyant le domestique s'appreter a passer un plat
d'epinards, il rassembla son courage, et, s'adressant a M. de Cemiane,
il dit d'une voix emue:
--Signor conte, voulez-vous m'offrir zigot, s'i vous plait?
--Comment donc! tres volontiers, repondit le comte en riant.
Mme de Cemiane partit d'un eclat de rire; ce fut le signal d'une
explosion generale. Paolo regardant d'un air ebahi, riait aussi, sans
savoir pourquoi et mangeait tout en riant; excite par la gaiete, par les
rires des enfants, il rit si fort qu'il s'etrangla; une bouchee trop
grosse ne passait pas. Il devint rouge, puis violet; ses veines se
gonflaient; ses yeux s'ouvraient demesurement. Francois, qui etait a sa
gauche, voyant sa detresse, se precipita vers lui, et, introduisant ses
doigts dans la bouche ouverte de Paolo, en retira une enorme bouchee de
gigot. Immediatement tout rentra dans l'ordre; les yeux, les veines, le
teint reprirent leur aspect ordinaire, l'appetit revint plus vorace que
jamais. Les rires avaient cesse devant l'angoisse de l'etranglement;
mais ils reprirent de plus belle quand Paolo, se tournant la bouche
pleine vers Francois, lui saisit la main, la baisa a plusieurs reprises.
--Bon signorino! Pauvre petit! tou m'as sauve la vie, et moi ze te ferai
grand comme ton pere. Quoi c'est ca? ajouta-t-il en passant sa main
sur la bosse de Francois. Pas beau, pas zoli. Ze souis medecin, tout
partira. Sera droit comme papa.
Et il se mit a manger sans plus parler a personne; il se garda bien de
rire jusqu'a la fin du diner. Bernard avait aussi fait connaissance avec
Francois pendant le diner.
--Je suis bien fache de n'avoir pas pu rentrer plus tot, dit Bernard.
J'etais chez le cure; j'y vais tous les jours prendre une lecon.
FRANCOIS
--Et moi aussi, je dois aller chez le cure pour apprendre le latin. Je
suis bien cont
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