n affligez pas! Je vous assure
que cela m'est egal! Je suis si heureux ici, au milieu de vous tous!
Bernard, Gabrielle et Christine sont si bons pour nous! Je les aime
tant!
--Et nous aussi nous t'aimons tant, mon bon Francois, dit Christine a
demi-voix en lui serrant la main dans les siennes.
--Et nous t'aimerons toujours! Tu es si bon! reprit Gabrielle en lui
serrant l'autre main.
BERNARD
--Et partout et toujours, nous nous defendrons l'un l'autre; n'est-ce
pas, Francois?
Mme des Ormes etait restee fort embarrassee pendant ce dialogue; M. des
Ormes ne l'etait pas moins qu'elle, pour elle; M. et Mme de Cemiane
etaient mal a l'aise et mecontents de leur soeur. M. de Nance restait
triste et pensif. Tout a coup Paolo se leva, etendit le bras et dit
d'une voix solennelle:
--Ecoutez tous! Ecoutez-moi, Paolo. Ze dis et ze zoure que lorsque cet
enfant, que la signora appelle Esoppo, aura vingt et oune ans, il sera
aussi grand, aussi belle que son respectabile signor padre. C'est moi
qui le ferai parce que l'enfant est bon, qu'il m'a fait oune enorme
bienfait, et... et que ze l'aime.
M. DE NANCE
--C'est la seconde fois que vous me faites cette bonne promesse,
monsieur Paolo; mais si vous pouvez reellement redresser mon fils,
pourquoi ne le faites-vous pas tout de suite?
--Patience, signor mio, ze souis medecin. A present, impossible,
l'enfant grandit; a dix-huit ou vingt ans, c'est bon; mais avant,
mauvais.
M. de Nance soupira et sourit tout a la fois en regardant Francois, dont
le visage exprimait le bonheur et la gaiete. Il causait d'un air fort
anime avec ses amis; tous parlaient et riaient, mais a voix basse, pour
ne pas troubler la conversation des grandes personnes.
IV
LES CARACTERES SE DESSINENT
Le dejeuner etait fort avance, Bernard demanda a sa mere s'il pouvait
sortir de table avec Gabrielle, Christine et Francois. La permission fut
accordee sans difficulte, et les enfants disparurent pour s'amuser dans
le jardin.
CHRISTINE
--Mon bon Francois, comme je te remercie d'avoir pris ma defense! Je ne
savais plus comment faire pour manger comme maman voulait.
FRANCOIS
--C'est pour cela que j'ai parle pour toi, Christine: je voyais bien que
tu n'osais plus manger, que tu avais envie de pleurer. Ca m'a fait de la
peine.
CHRISTINE
--Et moi aussi, j'ai eu du chagrin quand maman a eu l'air de se moquer
de toi.
FRANCOIS
--Oh! il ne faut pas te chagriner pour cela! Je suis ha
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