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MADAME DES ORMES
--Bonjour, Christine. Pourquoi n'es-tu pas venue chez moi?
CHRISTINE
--Maman, j'attendais ma bonne, qui m'avait defendu de sortir sans elle.
MADAME DES ORMES
--Mina a toujours des idees baroques! Quelle necessite d'enfermer cette
enfant et de l'empecher de venir dans ma chambre! Et toi, Christine, si
tu avais eu un peu d'esprit, tu n'aurais pas attendu la permission de
Mina... Comme tu es rouge, Christine; tu n'es pas jolie, ma pauvre
fille!
M. DES ORMES
--Il est impossible de savoir si elle a de l'esprit puisqu'elle ne parle
guere, devant nous, du moins; et, quant a sa laideur, je ne puis vous
l'accorder, car elle vous ressemble extraordinairement.
M. des Ormes sourit malicieusement en disant ces mots, et voulut aider
sa femme a monter en voiture; mais elle le repoussa en disant avec
humeur:
"Laissez-moi; je monterai bien sans votre aide".
Il prit Christine dans ses bras et voulut la mettre dans la voiture,
pres de sa mere.
"Mettez-la sur le siege, dit Mme des Ormes; elle va chiffonner ma jolie
robe ou elle la salira avec ses pieds".
M. des Ormes placa Christine sur le siege, pres du cocher.
--Faites bien attention a la petite, dit-il en la lui remettant.
LE COCHER
--Que monsieur soit tranquille, j'y veillerai, elle est si mignonne, si
douce, pauvre petite! Ce serait bien dommage qu'il lui arrivat quelque
chose.
Christine n'avait pas dit un mot tout ce temps; elle osait a peine
respirer, tant elle avait peur d'augmenter l'humeur de sa mere et d'etre
laissee a la maison. Quand la voiture partit, elle poussa un soupir de
satisfaction.
--Vous avez quelque chose qui vous gene, mademoiselle Christine? demanda
le cocher.
CHRISTINE
--Non, au contraire; je suis contente que nous soyons partis! J'avais si
peur de rester a la maison.
LE COCHER
--Pauvre petite mam'selle! Votre bonne vous rend la vie dure tout de
meme.
CHRISTINE
--Oh! taisez-vous, je vous en prie, bon Daniel; si ma bonne le savait!
LE COCHER
--C'est vrai tout de meme! Pauvre petite! vous n'en seriez pas plus
heureuse.
CHRISTINE
--Mais je vais voir Gabrielle, qui est si bonne pour moi! et le petit
Francois, qui est si bon! et mon cousin Bernard, que j'aime tant Je suis
heureuse, tres heureuse, je vous assure!
--Aujourd'hui, dit Daniel en lui-meme; mais demain ce sera autre chose.
Christine ne parla plus, elle songea avec bonheur a la bonne journee
qu'elle allait passer;
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