abitude, devant l'opposition
de sa femme. Elle courut dans sa chambre pour preparer sa toilette du
lendemain. Elle ne songea pas a Christine, mais M. des Ormes prevint
la bonne qu'ils emmeneraient Christine avec eux. Les yeux de Christine
brillerent: elle eut peine a contenir sa joie; sa bouche souriait malgre
elle, et ses joues s'animerent d'un eclat extraordinaire; mais la
presence de sa bonne arreta tout signe exterieur de satisfaction; elle
resta silencieuse et immobile. La journee lui parut interminable; le
lendemain elle s'eveilla de bonne heure; sa bonne dormit tard, et la
pauvre Christine attendit deux grandes heures le reveil de Mina.
La certitude d'avoir une journee de liberte mit la bonne de belle
humeur; elle ne brusqua pas trop Christine, ne lui arracha pas les
cheveux en la peignant, ne lui mit pas trop de savon dans les yeux en
la debarbouillant, l'habilla proprement, et lui donna pour son premier
dejeuner un peu de beurre sur son pain, douceur a laquelle Christine
n'etait pas accoutumee, car la bonne mangeait habituellement le beurre
et le chocolat au lait destines a Christine, et ne lui donnait que du
pain et une tasse de lait.
La matinee s'avancait, personne ne venait chercher Christine; elle
commencait a s'inquieter, surtout quand elle entendit les allees et
venues qui annoncaient le depart, et enfin le bruit de la voiture devant
le perron. Elle n'osait rien demander a sa bonne, mais son visage
s'attristait, ses yeux se mouillaient, lorsque la porte s'ouvrit, et M.
des Ormes entra. S'avancant vers elle:
--Christine, nous partons; es-tu prete?
CHRISTINE
--Oui, papa, depuis longtemps.
M. DES ORMES
--Pourquoi tes yeux sont-ils pleins de larmes? Aimes-tu mieux rester a
la maison?
CHRISTINE.
--Oh non! non, papa! J'avais peur que vous ne m'oubliassiez.
M DES ORMES
--Ma pauvre fille, je ne t'oublie pas, tu le vois bien. Allons vite,
pour ne pas faire attendre ta maman.
Christine ne se le fit pas dire deux fois et courut a son pere, qui
l'emmena precipitamment. Il entendait la voix mecontente de sa femme;
elle arrivait au perron et appelait:
--Philippe, ou etes-vous donc? Ou est M. des Ormes? Pourquoi Christine
ne vient-elle pas?
--Me voici, madame, repondit le domestique sortant de l'antichambre.
Monsieur est monte chez mademoiselle.
MADAME DES ORMES
--Allez leur dire que je les attends.
M. DES ORMES
--Ne vous impatientez pas, ma chere; j'etais alle chercher Christ
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