la route n'etait pas longue, on ne tarda pas a
arriver, car il n'y avait que trois kilometres du chateau des Ormes a
celui de M. et Mme de Cemiane. Gabrielle et Bernard se precipiterent a
la rencontre de leur cousine, que M. des Ormes avait fait descendre de
dessus le siege.
"Viens vite, lui dit Gabrielle, j'ai habille une poupee comme une
mariee; viens voir comme elle est jolie! Elle est pour toi".
Mme des Ormes etait deja entree au salon, et Christine se laissa aller
a la joie; Gabrielle et Bernard l'emmenerent dans leur chambre, ou elle
trouva sa poupee etendue sur un joli petit lit et habillee en robe de
mousseline blanche, avec un voile comme pour une premiere communion.
Christine ne cessait de remercier Gabrielle et Bernard aussi, qui avait
travaille avec le menuisier au petit lit de la poupee. Francois ne
tarda pas a se joindre a ses amis; Christine lui temoigna sa joie de le
revoir. Pendant que son coeur se dilatait et que sa langue se deliait,
Mme des Ormes faisait la gracieuse avec M. de Nance que lui avait
presente Mme de Cemiane et l'Italien qui saluait et qui faisait son
possible pour plaire a Mme des Ormes, afin d'etre engage a aller la
voir, ce qui lui ferait une connaissance de plus.
Il avait bien vite devine que c'etait a Mme des Ormes qu'il fallait
plaire pour etre admis chez elle; aussi ne cessa-t-il de chercher les
occasions de lui etre agreable; elle laissa tomber une epingle qui
attachait son chale, Paolo se precipita a quatre pattes pour la
chercher.
MADAME DES ORMES
--Ce n'est pas la peine, monsieur Paolo: une epingle n'a rien de
precieux.
PAOLO
--Oh! oune epingle portee par vous, bella signora, est oune tresor.
MADAME DES ORMES
--Joli tresor! Voyons, monsieur Paolo, finissez vos recherches; je vous
repete que ce n'est pas la peine.
PAOLO
--Zamais, signora; ze resterai ploye vers la terre zousqu'a la
trouvaille de ce tresor.
"Madame la comtesse est servie!" annonca un valet de chambre.
Chacun se dirigea vers la salle a manger; Paolo restait a quatre pattes,
Il se releva sur ses genoux quand tout le monde fut sorti.
"Per Bacco! dit-il a mi-voix en se grattant la tete; z'ai fait oune
sottise... Quoi faire? ils vont manzer tout! Et cette couquine
d'epingle, quoi faire? Ah! z'ai oune idee! Bella! bellissima! ze vais
prendre oune epingle sour la table et ze dirai: "Voila, voila votre
epingle! Ze l'ai trouvee!"
Il sauta sur ses pieds, saisit une des epingles qui gar
|