et
repeta la phrase qu'il venait de dire a M. de Nance.
MADAME DE CEMIANE
--Mon mari est absent, monsieur, il va rentrer; mais veuillez me dire
votre nom, car je ne crois pas avoir encore recu votre visite.
--Moi, Paolo Peronni, et voila une lettre de signor conte Cemiane.
Il tendit a Mme de Cemiane une lettre, qu'elle parcourut en reprimant un
sourire.
"Ce n'est pas l'ecriture de mon mari", dit-elle.
PAOLO
--Pas ecritoure! Alors, quoi faire? Il invite a diner, et moi, povero
Paolo, z'etais tres satisfait. Z'ai marce fort; z'avais peur de venir
tard. Quoi faire?
MADAME DE CEMIANE
--Il faut rester a diner avec nous, monsieur; vos amis ont voulu sans
doute vous jouer un tour, et vous le leur rendrez en dinant ici et en
faisant connaissance avec nous.
PAOLO
--Ca est bon a vous; merci, madame; moi, ze souis pas depuis longtemps
ici; moi, ze connais personne.
Le jeune homme raconta comme quoi il etait medecin, Italien, echappe a
un affreux massacre du village de Liepo, qu'il defendait avec deux cents
jeunes Milanais contre Radetzki.
"Eux sont restes presque tous toues, coupes en morceaux; moi ze me souis
sauve en me zetant sous les amis morts; quand la nouit est venoue, moi
ramper longtemps, et puis ze me souis leve debout et z'ai couru, couru;
le zour, ze souis cace dans les bois, z'ai manze les frouits des
oiseaux, et la nouit courir encore zousqu'a Zenes; pouis z'ai marce et
z'ai dit Italiano! et les amis m'ont donne du pain, des viandes, oune
lit; et moi ze souis arrive en vaisseau en bonne France; les bons
Francais ont donne tout et m'ont amene ici a Arzentan; et moi, ze
connais personne, et quand est arrivee oune lettre dou signor conte
Cimiano, moi z'etais content, et les camarades de rire et toussoter, et
oune me dit: "Va pas, c'est pour rire"; mais moi, z'ai pas ecoute et
z'ai fait deux lieues en oune heure; et voila comment Paolo est venu
zousqu'ici... Vous riez comme les camarades; c'est drole, pas vrai?"
Mme de Cemiane riait de bon coeur; M. de Nance souriait et regardait le
pauvre Italien avec un air de profonde pitie.
"Pauvre jeune homme!" dit-il avec un soupir, Et ou sont vos parents?
"Mes parents?..."
Et le visage du jeune homme prit une expression terrible.
"Mes parents, morts, toues par les feroces Autrichiens; fousilles avec
les soeurs, freres, amis, dans les maisons a eux! Tout est brule! et
avant battous, pour les punir eux, parce que moi, Italien, z'ai alle
av
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