BRIELLE
--Non, pas tout de suite, puisque maman nous attend pour promener; mais
quand nous serons revenues, nous travaillerons a ta robe.
CHRISTINE
--Mais, en attendant, ma pauvre fille a froid.
GABRIELLE
--Je vais l'envelopper dans ce vieux petit manteau tu vas voir; donne-la
moi.
Gabrielle prend la poupee, l'enveloppe de son mieux et la met dans un
fauteuil.
GABRIELLE
--La! elle est tres bien! Viens, a present; maman nous attend.
Depechons-nous.
Christine embrasse Gabrielle, qui l'entraine hors de la chambre; elles
arrivent en courant a une allee couverte ou se promenait leur maman avec
un monsieur et un petit garcon qui etait un peu en arriere. Gabrielle
et Christine le regardent avec surprise. Il etait un peu plus grand
qu'elles, gros, d'une tournure singuliere; sa figure etait jolie, ses
yeux doux et intelligents, il avait une physionomie tres agreable, mais
l'air craintif et embarrasse.
Christine s'approche, lui prend la main:
--Viens, mon petit, jouer avec nous; veux-tu?
L'enfant ne repond pas; il regarde d'un air timide Gabrielle et
Christine.
--Est-ce que tu es sourd, mon petit? demanda Gabrielle amicalement.
--Non, repondit l'enfant a voix basse.
GABRIELLE
--Et pourquoi ne parles-tu pas? Pourquoi ne viens-ru pas avec nous?
L'ENFANT
--Parce que j'ai peur que vous ne vous moquiez de moi comme les autres.
GABRIELLE
--Nous moquer de toi? Et pourquoi cela? Pourquoi les autres se
moquent-ils de toi?
--Vous ne voyez donc pas! dit le petit garcon en relevant la tete et les
regardant avec surprise.
GABRIELLE
--Je te vois, mais je ne comprends pas pourquoi on se moque de toi. Et
toi, Christine, vois-ru quelque chose?
CHRISTINE
--Non, pas moi; je ne vois rien.
--Alors, vous voudrez bien m'embrasser et jouer avec moi? dit le petit
garcon en souriant et en hesitant encore.
--Certainement, s'ecrierent les deux cousines en l'embrassant de tout
leur coeur.
Le petit garcon semblait si heureux, que Gabrielle et Christine se
sentirent aussi toutes joyeuses. Au moment ou ils s'embrassaient tous
les trois, la maman et le monsieur se retournerent. Ce dernier poussa
une exclamation joyeuse.
--Ah! les bonnes petites filles! Ce sont les votres, madame? Elles
veulent bien embrasser mon pauvre Francois! Pauvre enfant! il en a l'air
tout heureux!
MADAME DE CEMIANE
--Pourquoi donc paraissez-vous surpris que ma fille et ma niece
accueillent bien votre petit Franc
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