blement, car c'etait une vieille intrigante qui
louait une mauvaise chambre au detriment de l'auberge attitree et patentee,
et qui se melait d'attirer et de nourrir les voyageurs apparemment, mais
qui devait les nourrir bien mal, car elle n'avait rien, et, pour ce,
meritait le mepris des gens etablis et des voyageurs qui se
respectent.
En raison de ce discours, le jeune enseigne n'avait rien eu de plus presse
que d'aller chez la vieille et de lui demander a loger pour un de ses amis
qu'il attendait, esperant, a la faveur de cette histoire, la faire causer
et savoir quelque chose sur le compte de cette inconnue; mais la vieille
avait ete impenetrable et meme incorruptible.
Le portrait que le marin faisait de cette jeune inconnue eveilla
l'attention de Palmer. Ce pouvait etre celui de Therese; mais que
faisait-elle et pourquoi se cachait-elle a Porto-Venere? Sans doute, elle
n'y etait pas seule; Laurent devait etre cache dans quelque autre coin.
Palmer agita en lui-meme la question de savoir s'il s'en irait en Chine
pour n'etre pas temoin de son malheur. Pourtant il prit le parti le plus
raisonnable, qui etait de savoir a quoi s'en tenir.
Il se fit conduire aussitot a Porto-Venere et n'eut pas de peine a y
decouvrir Therese, logee et occupee ainsi qu'on le lui avait raconte.
L'explication fut vive et franche. Tous deux etaient trop sinceres pour se
bouder; aussi tous deux s'avouerent-ils qu'ils avaient eu beaucoup
d'humeur l'un contre l'autre, Palmer pour n'avoir pas ete averti par
Therese du lieu de sa retraite, Therese pour n'avoir pas ete mieux
cherchee et plus tot retrouvee par Palmer.
--Mon amie, dit celui-ci, vous semblez me reprocher surtout de vous avoir
comme abandonnee a un danger. Ce danger, moi, je n'y croyais pas!
--Vous aviez raison, et je vous en remercie. Alors pourquoi etiez-vous
triste et comme desespere en me voyant partir? et comment se fait-il qu'en
arrivant ici, vous n'ayez pas su decouvrir ou j'etais des le premier jour?
Vous avez donc suppose que j'etais partie, et qu'il etait inutile de me
chercher?
--Ecoutez-moi, dit Palmer eludant la question, et vous verrez que j'ai eu,
depuis quelques jours, bien des amertumes qui ont pu me faire perdre la
tete. Vous comprendrez aussi pourquoi, vous ayant connue toute jeune, et
pouvant pretendre a vous epouser, j'ai passe a cote d'un bonheur dont le
regret et le reve ne m'ont jamais quitte. J'etais des lors l'amant d'une
femme qui s'est jouee de mo
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