i apporterait ses malles dans deux heures et viendrait diner avec elle.
Therese embrassa sa bonne Catherine, et, tout en lui demandant comment
elle s'etait portee en son absence, elle entra dans la maison avec cette
curiosite impatiente, inquiete ou joyeuse, que l'on eprouve
instinctivement a revoir un lieu ou l'on a longtemps vecu, si bien que
Catherine n'eut pas le loisir de lui dire que Laurent etait la, et qu'elle
le surprit pale, absorbe et comme petrifie sur le sofa du salon. Il
n'avait entendu ni la voiture, ni le bruit des portes ouvertes
precipitamment. Il etait encore plonge dans ses reveries lugubres, quand
il la vit devant lui. Il poussa un cri terrible, s'elanca vers elle pour
l'embrasser, et tomba suffoque, presque evanoui a ses pieds.
Il fallut lui oter sa cravate, et lui faire respirer de l'ether; il
etouffait, et les battements de son coeur etaient si violents, que tout
son corps en etait ebranle comme de commotions electriques. Therese,
effrayee de le voir ainsi, crut qu'il etait retombe malade. Cependant la
fraicheur de la jeunesse lui revint bientot, et elle remarqua qu'il avait
engraisse. Il lui jura mille fois qu'il ne s'etait jamais mieux porte, et
qu'il etait heureux de la voir embellie et de lui retrouver l'oeil pur
comme elle l'avait le premier jour de leur amour. Il se mit a genoux
devant elle et lui baisa les pieds pour lui temoigner son respect et son
adoration. Ses effusions etaient si vives, que Therese en fut inquiete et
crut devoir se hater de lui rappeler son prochain depart et son prochain
mariage avec Palmer.
--Quoi? qu'est-ce que c'est? qu'est-ce que tu dis? s'ecria Laurent, pale
comme si la foudre lui tombee a ses pieds. Depart! mariage!... Comment?
pourquoi? Est-ce que je reve encore? est-ce que tu as dit ces mots-la?
--Oui, repondit-elle, je te les dis. Je te les avais ecrits; tu n'as donc
pas recu ma lettre?
--Depart! mariage! repetait Laurent; mais tu disais autrefois que c'etait
impossible! Souviens toi! Il y a eu des jours ou je regrettais de ne
pouvoir faire taire les gens qui te dechiraient, en te donnant mon nom et
ma vie entiere. Et toi, tu disais: "Jamais, jamais, tant que cet homme
vivra!" Il est donc mort? ou bien tu aimes Palmer comme tu ne m'as jamais
aime, puisque tu braves pour lui des scrupules que je trouvais fondes et
un scandale affreux que je crois inevitable?
--Le comte de *** n'est plus, et je suis libre.
Laurent fut si etourdi de cette revelatio
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