i, apres avoir par deux fois provoque ce qu'il
croyait etre un danger pour elle, lui faisait un crime de sa propre
imprudence. Elle songeait a l'affreuse existence de sa mere avec un mari
jaloux du passe, et elle se disait avec raison qu'apres le malheur d'avoir
subi une passion comme celle de Laurent, elle avait ete insensee de croire
au bonheur avec un autre homme.
Palmer avait un fonds de raison et de fierte qui ne lui permettait pas non
plus d'esperer de rendre Therese heureuse apres une scene comme celle qui
venait de se passer. Il sentait que sa jalousie ne guerirait pas, et il
persistait a la croire fondee. Il ecrivit a Therese:
"Mon amie, pardonnez-moi si je vous ai affligee; mais il m'est impossible
de ne pas reconnaitre que j'allais vous entrainer dans un abime de
desespoir. Vous aimez Laurent, vous l'avez toujours aime malgre vous, et
vous l'aimerez peut-etre toujours. C'est votre destinee. J'ai voulu vous y
soustraire, vous le vouliez aussi. Je reconnais encore qu'en acceptant mon
amour vous etiez sincere, et que vous avez fait tout votre possible pour y
repondre. Je me suis fait, moi, beaucoup d'illusions; mais, chaque jour,
depuis Florence, je les sentais s'echapper. S'il eut persiste a etre
ingrat, j'etais sauve; mais son repentir et sa reconnaissance vous ont
attendrie. Moi-meme, j'en ai ete touche, et je me suis pourtant efforce de
me croire tranquille. C'etait en vain. Il y a eu des lors entre vous deux,
a cause de moi, des douleurs que vous ne m'avez jamais racontees, mais que
j'ai bien devinees. Il reprenait son ancien amour pour vous, et vous, tout
en vous defendant, vous regrettiez de m'appartenir. Helas! Therese, c'est
alors pourtant que vous eussiez du reprendre votre parole. J'etais pret a
vous la rendre. Je vous laissais libre de partir avec lui de la Spezzia:
que ne l'avez vous fait?
"Pardonnez-moi, je vous reproche d'avoir beaucoup souffert pour me rendre
heureux et pour vous rattacher a moi. J'ai bien lutte aussi, je vous jure!
Et a present, si vous voulez encore accepter mon devouement, je suis pret
a lutter et a souffrir encore. Voyez si vous voulez souffrir vous-meme, et
si, en me suivant en Amerique, vous esperez guerir de cette malheureuse
passion qui vous menace d'un avenir deplorable. Je suis pret a vous
emmener; mais ne parlons plus de Laurent, je vous en supplie, et ne me
faites pas un crime d'avoir devine la verite. Restons amis, venez demeurer
chez ma mere, et si, dans quelque
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