l la supplia de lui donner une
derniere journee de causerie fraternelle et de promenade _bourgeoise_,
amicale, tranquille. Ils allerent ensemble au Jardin des Plantes,
s'assirent sous le grand cedre, et monterent au labyrinthe. Il faisait
doux; plus de traces de neige. Un soleil pale percait a travers des nuages
lilas. Les bourgeons des plantes etaient deja gonfles de seve. Laurent
etait poete, rien que poete et artiste contemplatif ce jour-la: un calme
profond, inoui, pas de remords, pas de desirs ni d'esperances; de la
gaiete ingenue encore par moments. Pour Therese, qui l'observait avec
etonnement, c'etait a ne pas croire que tout fut brise entre eux.
L'orage revint effroyable le lendemain, sans cause, sans pretexte, et
absolument comme il se forme dans le ciel d'ete, par la seule raison qu'il
a fait beau la veille.
Puis, de jour en jour, tout s'obscurcit; et ce fut comme une fin du monde,
comme de continuels eclats de foudre au sein des tenebres.
Une nuit, il entra chez elle fort tard, dans un etat d'egarement complet,
et, sans savoir ou il etait, sans lui dire un mot, il se laissa tomber
endormi sur le sofa du salon.
Therese passa dans son atelier, et pria Dieu avec ardeur et desespoir de
la soustraire a ce supplice. Elle etait decouragee; la mesure etait
comble. Elle pleura et pria toute la nuit.
Le jour paraissait lorsqu'elle entendit sonner a sa porte. Catherine
dormait, et Therese crut que quelque passant attarde se trompait de
domicile. On sonna encore; on sonna trois fois. Therese alla regarder par
la lucarne de l'escalier qui donnait au-dessus de la porte d'entree. Elle
vit un enfant de dix a douze ans, dont les vetements annoncaient l'aisance,
dont la figure levee vers elle lui parut angelique.
--Qu'est-ce donc, mon petit ami? lui dit-elle; etes-vous egare dans le
quartier?
--Non, repondit-il, on m'a amene ici; je cherche une dame qui s'appelle
mademoiselle Jacques.
Therese descendit, ouvrit a l'enfant, et le regarda avec une emotion
extraordinaire. Il lui semblait qu'elle l'avait deja vu, ou qu'il
ressemblait a quelqu'un qu'elle connaissait et dont elle ne pouvait
retrouver le nom. L'enfant aussi paraissait trouble et indecis.
Elle l'emmena dans le jardin pour le questionner; mais, au lieu de
repondre:
--C'est donc vous, lui dit-il tout tremblant, qui etes mademoiselle
Therese?
--C'est moi, mon enfant; que me voulez-vous? que puis-je faire pour vous?
--Il faut me prendre avec vou
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