une critique a faire et lui defendit meme de rien retoucher.
Laurent, modeste en ses manieres et en son langage, avait plus d'orgueil
que Therese ne voulait lui en donner. Il etait, au fond du coeur, enivre
de ses eloges. Il sentait bien que, de toutes les personnes capables de
l'apprecier, elle etait la plus ingenieuse et la plus attentive. Il
sentait aussi revenir imperieusement ce besoin qu'il avait d'elle pour
partager ses tourments et ses joies d'artiste, et cet espoir de devenir un
maitre, c'est-a-dire un homme, qu'elle seule pouvait lui rendre dans ses
defaillances.
Quand Therese eut longtemps contemple le tableau, elle se retourna pour
voir une figure que Laurent la priait de regarder, en lui disant qu'elle
en serait encore plus contente; mais, au lieu d'une toile, Therese vit sa
mere debout et souriante sur le seuil de la chambre de Laurent.
Madame C.... etait venue a Paris, ne sachant pas au juste le jour ou
Therese y reviendrait. Cette fois elle y etait attiree par des affaires
serieuses: son fils se mariait, et M. C.... etait lui-meme a Paris depuis
quelque temps. La mere de Therese, sachant par elle qu'elle avait renoue
sa correspondance avec Laurent et craignant l'avenir, etait venue le
surprendre pour lui dire tout ce qu'une mere peut dire a un homme pour
l'empecher de faire le malheur de sa fille.
Laurent etait doue de l'eloquence du coeur. Il avait rassure cette pauvre
mere, et il l'avait retenue en lui disant:
--Therese va venir, c'est a vos pieds que je veux lui jurer d'etre
toujours pour elle ce qu'elle voudra, son frere ou son mari, mais, dans
tous les cas, son esclave.
Ce fut une bien douce surprise pour Therese de trouver la sa mere, qu'elle
ne s'attendait pas a voir sitot. Elles s'embrasserent en pleurant de joie.
Laurent les conduisit dans un petit salon rempli de fleurs, ou le the
etait servi avec luxe. Laurent etait riche, il venait de gagner dix mille
francs. Il etait heureux et fier de pouvoir restituer a Therese tout ce
qu'elle avait depense pour lui. Il fut adorable dans cette soiree; il
gagna le coeur de la fille et la confiance de la mere, et il eut pourtant
la delicatesse de ne pas dire un mot d'amour a Therese. Loin de la, en
baisant les mains unies ensemble de ces deux femmes, il s'ecria avec
sincerite que c'etait la le plus beau jour de sa vie, et que jamais, en
tete-a-tete avec Therese, il ne s'etait senti si heureux et si content de
lui-meme.
Ce fut madame C... la pre
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