remords qui le
brisaient. Il lui eut fallu une maitresse insouciante et robuste qui se
fut moquee de ses coleres comme de ses repentirs, qui n'eut souffert de
rien, pourvu qu'elle le dominat. Telle n'etait pas Therese. Elle se
mourait de fatigue et de chagrin, et, en la voyant deperir, Laurent
cherchait dans le suicide de son intelligence, dans le poison de l'ivresse,
l'oubli momentane de ses propres larmes.
XIII
Un soir, il lui fit une si longue et si incomprehensible querelle, qu'elle
ne l'entendit plus et s'assoupit sur son fauteuil. Au bout de quelques
instants, un leger frolement lui fit ouvrir les yeux. Laurent jeta
convulsivement par terre quelque chose de brillant: c'etait un poignard.
Therese sourit et referma les yeux. Elle comprenait faiblement, et comme a
travers le voile d'un reve, qu'il avait songe a la tuer. En ce moment tout
etait indifferent a Therese. Se reposer de vivre et de penser, que ce fut
sommeil ou mort, elle laissait le choix a la destinee.
C'etait la mort qu'elle meprisait. Laurent crut que c'etait lui, et, se
meprisant lui-meme, il la quitta enfin.
Trois jours apres, Therese, decidee a faire un emprunt qui lui permit un
voyage serieux, une absence reelle (cette vie de dechirements et de
bourrasques tuait son travail et ruinait son existence), alla au quai aux
Fleurs et acheta un rosier blanc, qu'elle envoya a Laurent sans donner son
nom au porteur. C'etait son adieu. En rentrant chez elle, elle y trouva un
rosier blanc anonyme: c'etait aussi l'adieu de Laurent. Tous deux
partaient, tous deux resterent. La coincidence de ces rosiers blancs emut
Laurent jusqu'aux larmes. Il courut chez Therese, et la trouva achevant
ses paquets. Sa place etait retenue dans le courrier pour six heures du
soir. Celle de Laurent l'etait aussi dans la meme voiture. Tous deux
avaient pense revoir l'Italie l'un sans l'autre.
--Eh bien, partons ensemble! s'ecria-t-il.
--Non, je ne pars plus, repondit-elle.
--Therese, lui dit-il, nous aurons beau vouloir! ce lien atroce qui nous
unit ne se rompra jamais. C'est folie d'y songer encore. Mon amour a
resiste a tout ce qui peut briser un sentiment, a tout ce qui peut tuer
une ame. Il faut que tu m'aimes comme je suis, ou que nous mourrions
ensemble. Veux-tu m'aimer?
--Je le voudrais en vain, je ne peux plus, dit Therese. Je sens mon coeur
epuise: je crois qu'il est mort.
--Eh bien, veux-tu mourir?
--Il m'est indifferent de mourir, tu le sais;
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