ous la laisser tranquille?
Venez-vous encore faire son malheur? On m'avait dit que vous vous etiez
quittes, et j'en etais contente; car, apres vous avoir aime, je vous
detestais. Je voyais bien que vous etiez l'_auteur_ de ses embarras et de
ses peines. Allons, allons, ne restez pas ici a l'attendre, a moins que
vous n'ayez jure de la faire mourir!
--Vous dites qu'elle arrive aujourd'hui! s'ecria Laurent a plusieurs
reprises.
C'est tout ce qu'il avait entendu de la mercuriale de la vieille servante.
Il entra dans l'atelier de Therese, dans le petit salon lilas et jusque
dans la chambre a coucher, soulevant les toiles grises que Catherine avait
etendues partout pour garantir les meubles. Il les regardait un a un, tous
ces petits meubles curieux et charmants, objets d'art et de gout que
Therese avait payes de son travail; aucun ne manquait. Rien ne paraissait
change dans la situation que Therese s'etait faite a Paris, et Laurent
repetait d'un air un peu egare en regardant Catherine, qui le suivait pas
a pas d'un air soucieux:
--Elle arrive aujourd'hui!
En disant qu'il aimait une belle enfant d'un amour pur et blond comme elle,
Laurent s'etait vante. Il avait pense dire la verite en ecrivant a
Therese avec l'exaltation a laquelle il s'abandonnait pour lui parler de
lui-meme, et qui contrastait si etrangement avec le ton moqueur et froid
qu'il se croyait oblige de porter dans le monde. La declaration qu'il
avait du faire a la jeune fille objet de ses reves, il ne l'avait pas
faite. Un oiseau ou un nuage qui avait passe le soir dans le ciel avait
suffi pour deranger le fragile edifice de bonheur et d'expansion eclos le
matin dans cette imagination d'enfant et de poete. La peur d'etre ridicule
s'etait emparee de lui, ou bien la crainte de guerir de son invincible et
fatale passion pour Therese.
Il etait la, ne repondant rien a Catherine, qui, pressee de tout preparer
pour l'arrivee de sa chere maitresse, se decida a le laisser seul. Laurent
etait en proie a une agitation inouie. Il se demandait pourquoi Therese
revenait a Paris sans l'en avoir averti. Y venait-elle en secret avec
Palmer, ou bien avait-elle fait comme Laurent lui-meme? Lui avait-elle
annonce un bonheur qui n'existait pas encore, et dont la pensee etait deja
evanouie? Ce brusque et mysterieux retour ne cachait-il pas une rupture
avec Dick?
Laurent s'en rejouissait et s'en effrayait a la fois. Mille idees, mille
emotions se contrariaient dans sa tet
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