uere pour un homme aussi considerable, -
- d'un chef redoutable qui serait le pire adversaire et qu'on ne
reduirait pas facilement.
--Il n'y a que lui, conclut Martinod. Les autres, tous des jean-
foutre ou des fesse-mathieu.
--Il n'y a que lui, approuva le choeur.
Cependant on evitait de le nommer. Je n'eus pas de peine, neanmoins, a
me le figurer enigmatique et formidable, conduisant ses troupes avec
la certitude de la victoire. Grand-pere, distrait, ecoutait le
dialogue de Cassenave avec son double. Martinod, qui l'observait
depuis une minute ou deux, tantot a la derobee et tantot bien en face,
se pencha tout a coup vers lui et lui dit brusquement:
--Savez-vous une chose, pere Rambert? C'est vous qui devriez nous
mener au combat.
--Moi! fit grand-pere renverse. Oh! oh!
Et il se gargarisa de son petit rire. On le laissa se divertir tout a
son aise, apres quoi Martinod reprit son offre.
--Sans doute, vous. Qui le merite davantage? En quarante-huit, vous
avez failli mourir pour la liberte.
--Mais pas du tout, je n'ai pas failli mourir.
On n'insista pas davantage sur cette proposition. Et comme nous
rentrions ensemble a l'heure du diner, il s'arreta pour me dire:
--Il en a de bonnes, Martinod! Moi, leur candidat, c'est insense!
Et il rit encore tout son saoul. Un peu plus loin, il repeta:
--Leur candidat, moi!
Et cette fois, il ne rit plus. Je compris que tout de meme il n'etait
pas fache de l'invitation de Martinod.
II
LE CIRQUE
De ces preparatifs electoraux j'etais distrait par le cirque installe
sur la place du Marche. Son immense tente blanche, fixee enfin par de
solides piquets, portait, au-dessus de la toile qu'on soulevait pour
entrer, cette inscription en lettres d'or sur fond bleu: Cirque
Marinetti. Un tambour agitait frenetiquement ses baguettes pour
attirer l'attention du public, et de temps a autre, ecartant la
portiere, une princesse a la robe eclatante et aux bas roses
surgissait comme une apparition. Je passais par la en revenant du
college, rien que pour entendre cet invariable tambour et apercevoir
cette dame qui tantot etait vieille et tantot adolescente. Combien
j'aurais voulu penetrer la dedans! J'entretenais du moins mon desir de
ce paradis defendu et vite je m'enfuyais au pas de course pour ne pas
me mettre en retard.
Une fois j'entrepris le tour exterieur de la tente, et ce fut la
decouverte des coulisses. En arriere, les roulottes etaient
rassemblees. De le
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