Quoi qu'il en soit, il faut vouloir fermer les yeux pour ne pas voir que
dans un temps donne, d'un moment a l'autre peut-etre, un coup de force
sera tente pour mettre l'Assemblee a la porte.
Ainsi les troupes qui composent la garnison de Paris ont ete tellement
augmentees, que les logements dans les casernes et dans les forts sont
devenus insuffisants et qu'il a fallu se servir des casemates. Ces
troupes sont chaque jour consignees jusqu'a midi et on leur fait la
theorie de la guerre des rues, on leur explique comment on attaque les
barricades, comment on se defend des coups de fusil qui partent des
caves, comment on chemine par les maisons. Les officiers ont du
parcourir les rues de Paris pour etudier les bonnes positions a prendre.
Pour expliquer ces precautions, on dit qu'elles ne sont prises que
contre les societes secretes qui veulent descendre dans la rue, et
dans certains journaux, dans le public bourgeois, on parle beaucoup de
complots socialistes. Sans nier ces complots qui peuvent exister, je
crois qu'on exagere fort les craintes qu'ils inspirent et qu'on en fait
un epouvantail pour masquer d'autres complots plus serieux et plus
redoutables.
Il n'y a qu'a ecouter le langage des officiers pour etre fixe a ce
sujet. Et bien que depuis mon arrivee a Paris j'aie peu quitte mon pere,
j'en ai assez entendu dans deux ou trois rencontres que j'ai faites pour
etre bien certain que l'armee est maintenant preparee et disposee a
prendre parti pour Louis-Napoleon.
L'irritation contre l'Assemblee est des plus violentes; on la rend seule
responsable des difficultes de la situation; on accuse la droite de ne
penser qu'a nous ramener le drapeau blanc, la gauche de vouloir nous
donner le drapeau rouge avec le desordre et le pillage; entre ces deux
extremes il n'y a qu'un homme capable d'organiser un gouvernement qui
satisfasse les opinions du pays et ses besoins; c'est le president; il
faut donc soutenir Louis-Napoleon et lui donner les moyens, coute que
coute, d'organiser ce gouvernement; un pays ne peut pas tourner toujours
sur lui-meme sans avancer et sans faire un travail utile comme un
ecureuil en cage; si c'est la Constitution qui est cette cage, il faut
la briser.
D'autres moins raisonnables (car il faut bien avouer que dans ces
accusations il y a du vrai, au moins en ce qu'elles s'appliquent a
l'aveuglement des partis qui usent leurs forces a se battre entre
eux, sans souci du troisieme larron), d'autres se so
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