ter, mais je continuai:
--Ne craignez pas, je ne dirai rien de ce que vous ne voulez pas
entendre. C'est une priere que j'ai a vous adresser, et il me semble
que, si vous pensez a ce que va etre ma situation aupres de mon pere
malade, mourant peut-etre, vous ne pourrez pas me refuser. Permettez-moi
de vous ecrire.
Elle recula vivement.
--Ce n'est pas tout... promettez-moi de m'ecrire.
--Mais c'est impossible!
--Il m'est impossible, a moi, de vivre loin de vous sans savoir ce que
vous faites, sans vous dire que je pense a vous. Ah! chere Clotilde....
Elle m'imposa silence de la main. Puis comme je voulais continuer, elle
prit la parole:
--Vous savez bien que je ne peux pas recevoir vos lettres et que je ne
peux pas vous ecrire ostensiblement.
--Qui vous empeche de jeter une lettre a la poste, soit ici, soit a
Marseille? personne ne le saura.
--Cela, jamais.
--Cependant....
--Laissez-moi chercher, car Dieu m'est temoin que je voudrais trouver un
moyen de ne pas ajouter un chagrin ou un tourment a ceux que vous allez
endurer.
Pendant quelques secondes elle resta le front appuye dans ses mains,
puis laissant tomber son bras:
--S'il vous est possible de sortir quand vous serez a Paris, dit-elle,
choisissez-moi une babiole, un rien, un souvenir, ce qui vous passera
par l'idee, et envoyez-le-moi ici tres-franchement, en vous servant
des Messageries. J'ouvrirai moi-meme votre envoi, qui me sera adresse
personnellement, et s'il y a une lettre dedans, je la trouverai.
--Ah! Clotilde, Clotilde!
--J'espere que je pourrai vous repondre pour vous remercier de votre
envoi.
--Vous etes un ange.
--Non, et ce que je fais la est mal, mais je ne peux pas, je ne veux pas
etre pour vous une cause de chagrin. Si je ne fais pas tout ce que vous
desirez, je fais au moins plus que je ne devrais, plus qu'il n'est
possible, et vous ne pourrez pas m'accuser.
Je voulus m'avancer vers elle, mais elle recula, et, se tournant vers un
grand laurier rose dont quelques rameaux etaient encore fleuris, elle en
cassa une branche et me la tendant:
--Si, en arrivant a Paris, vous mettez ce rameau dans un vase, dit-elle,
il se ranimera et restera longtemps vert, c'est mon souvenir que je vous
donne d'avance.
Puis vivement et sans attendre ma reponse, elle rentra dans le salon ou
je la suivis.
L'heure me pressait; il fallut se separer; le dernier mot du general
fut une recommandation d'aller voir M. de Solignac;
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