ion des
permissions, et il trouve tout naturel que de temps en temps un officier
s'en aille faire un tour a Paris,--ce qu'il appelle "une promenade a
Cythere;" il faut bien que les jeunes gens s'amusent, dit-il. Je croyais
donc que ma demande si legitime passerait sans la moindre observation.
Il n'en fut rien.
--Je ne vous refuse pas, me dit-il, parce que je ne peux pas vous
refuser, mais je vous prie d'etre absent le moins longtemps possible.
--C'est mon pere qui decide mon voyage, c'est sa maladie qui decidera
mon retour.
--Je sais que nous ne commandons pas a la maladie, seulement je
vous prie de nous revenir aussitot que possible, et, bien que votre
permission soit de vingt jours, vous me ferez plaisir si vous pouvez ne
pas aller jusqu'a la fin. Prenez cette recommandation en bonne part, mon
cher capitaine; elle n'a point pour but de vous tourmenter. Mais nous
sommes dans des circonstances ou un colonel tient a avoir ses bons
officiers sous la main. On ne sait pas ce qui peut arriver. Et s'il
arrive quelque chose, vous etes un homme sur lequel on peut compter.
Vous-meme d'ailleurs seriez fache de n'etre pas a votre poste s'il
fallait agir.
Je n'etais pas dans des dispositions a soutenir une conversation
politique, et j'avais autre chose en tete que de repondre a ces
previsions pessimistes du colonel. Je me retirai et partis immediatement
pour Cassis. Je voulais faire mes adieux a Clotilde et ne pas m'eloigner
de Marseille sans l'avoir vue.
--Quel malheur que vous ne soyez pas parti hier, dit le general quand je
lui annoncai mon voyage, vous auriez fait route avec Solignac. Voyez-le
a Paris, ou il restera peu de temps, et vous pourrez peut-etre revenir
ensemble: pour tous deux ce sera un plaisir; la route est longue de
Paris a Marseille.
Je pus, a un moment donne, me trouver seul avec Clotilde pendant
quelques minutes dans le jardin.
--Je ne sais pour combien de temps je vais etre separe de vous, lui
dis-je, car si mon pere est en danger, je ne le quitterai pas.
N'osant pas continuer, je la regardai, et nous restames pendant assez
longtemps les yeux dans les yeux. Il me sembla qu'elle m'encourageait a
parler. Je repris donc:
--Depuis trois mois, j'ai pris la douce habitude de vous voir deux fois
par semaine et de vivre de votre vie pour ainsi dire; car le temps
que je passe loin de vous, je le passe en realite pres de vous par la
pensee... par le coeur.
Elle fit un geste de la main pour m'arre
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