divisant, ou pour les
envoyer vivre heureux dans quelque monde ou tu n'aurais jamais mis le
pied, et ou leur bonheur ne toucherait point a ton existence. Pauvre
Octave! son plus grand malheur est de comprendre par l'intelligence
ce que c'est que la grandeur, mais d'avoir le coeur trop froid ou le
caractere trop faible pour y atteindre. Il croit que Fernande est son
egale, et il se trompe: Fernande est tres-au-dessus de lui, et Dieu
fasse qu'elle puisse l'oublier, car l'amour d'Octave ne la rendrait
peut-etre que plus malheureuse. Enfin il est parti en me jurant
qu'il allait en Suisse. Attendons le destin, et, quel qu'il soit,
devouons-nous a ceux qui n'ont pas la force de se devouer.
LXXVI.
D'OCTAVE A FERNANDE.
Votre mari est en Dauphine et moi je suis a Tours; vous m'aimez et je
vous aime, voila tout ce que je sais. Je trouverai moyen de vous voir
et de vous parler, n'en doutez pas. N'essayez pas de me fuir encore, je
vous suivrais jusqu'au bout de la terre. Ne craignez pas que je vous
compromette, je serai prudent; mais ne me reduisez pas au desespoir, et
ne dejouez pas par une inutile et folle resistance les moyens que
je prendrai pour arriver a vous sans que personne s'en doute. Que
craignez-vous de moi? quels sont ces dangers qui vous epouvantent?
Pensez-vous que je veuille d'un bonheur qui vous couterait des larmes?
M'estimez-vous assez peu pour croire que je vous demanderai des
sacrifices? Je ne veux que vous voir, vous dire que je vous aime,
et vous decider a retourner a Saint-Leon. La nous reprendrons notre
ancienne vie, vous resterez aussi pure que vous l'etes, et je serai
aussi malheureux que vous voudrez. Je puis tout promettre et tout
accepter pourvu qu'on ne me separe pas de vous; cela seul est
impossible.
J'ai deja fait le tour du chateau et des jardins de Cerisy, j'ai deja
gagne le jardinier et apprivoise les chiens. Cette nuit je suis passe
sous vos fenetres, il etait deux heures du matin, et il y avait de la
lumiere dans votre chambre; demain je vous ecrirai comment nous pouvons
nous voir sans le moindre danger. Je sais que vous etes malade, et, s'il
faut repeter l'expression de ceux qui parlent de vous, un secret chagrin
vous tue. Et tu crois que je t'abandonnerai quand ton mari te laisse
pour aller serrer ses foins et philosopher avec Sylvia, tout en comptant
ses denrees et son argent? Pauvre Fernande! ton mari est une mauvaise
copie de M. de Wolmar; mais certainement Sylvia ne se pique
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