vers d'aujourd'hui:
"Pour bien ecrire, il faut une facilite naturelle et une difficulte
acquise."
"Il est des mots _amis de la memoire_; ce sont ceux-la qu'il faut
employer. La plupart mettent leurs soins a ecrire de telle sorte, qu'on
les lise sans obstacle et sans difficulte, et qu'on ne puisse en aucune
maniere se souvenir de ce qu'ils ont dit; leurs phrases amusent la voix,
l'oreille, l'attention meme, et ne laissent rien apres elles; elles
flattent, elles passent comme un son qui sort d'un papier qu'on a
feuillete." Ceci s'adresse en arriere a l'ecole de La Harpe, au Voltaire
delaye, et, en general, le peril n'est pas aujourd'hui de tomber dans ce
coulant.
Voici qui nous touche de plus pres: "Avant d'employer un beau mot,
faites-lui une place." Avec la quantite de beaux mots qu'on empile,
sait-on encore le prix de ces places-la?
"L'ordre litteraire et poetique tient a la succession naturelle et libre
des mouvements; il faut qu'il y ait entre les parties d'un ouvrage de
l'harmonie et des rapports, que tout s'y tienne et que rien ne soit
cloue." Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se
tiennent guere; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que
clous marteles et rives, a tete d'or.
A nos poetes lyriques ou epiques, il semble dire: "On n'aime plus que
l'esprit colossal."
A tel qui violente la langue et qui est pourtant un maitre:
"Nous devons reconnaitre pour maitres des mots ceux qui savent _en
abuser_, et ceux qui savent en user; mais ceux-ci sont les rois des
langues, et ceux-la en sont les _tyrans_."--Oui, tyrans! nos Phalaris
ne font-ils pas mugir les pensees dans les mots faconnes et fondus en
taureaux d'airain?
A tel romancier qui reussit une fois sur cent, je dirai avec lui: "Il ne
faut pas seulement qu'un ouvrage soit bon, mais qu'il soit fait par un
bon auteur."
A tel critique herisse et coupe-jarret, a tel autre aisement fatrassier
et sans grace: "Des belles-lettres. Ou n'est pas l'agrement et quelque
serenite, la ne sont plus les belles-lettres.
"Quelque amenite doit se trouver meme dans la critique; si elle en
manque absolument, elle n'est plus litteraire... Ou il n'y a aucune
delicatesse, il n'y a point de litterature."
A aucune en particulier, mais a toutes en general, ce qui ne peut,
certes, blesser personne, dans ce sexe plus ou moins emancipe: "Il est
un besoin d'admirer, ordinaire a certaines femmes dans les siecles
lettres, et qui est une altera
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