itre,
d'avoir rencontre et entendu une fois M. Joubert, pour qu'il demeurat a
jamais grave dans l'esprit: il suffit maintenant pour cela, en ouvrant
son volume au hasard, d'avoir lu. Sur quantite de points qui reviennent
sans cesse, sur bien des themes eternels, on ne saurait dire mieux ni
plus singulierement que lui: "Il n'y a pas, pense-t-il, de musique plus
agreable que les _variations_ des airs connus." Or, ses _variations_,
a lui, meriteraient bien souvent d'etre retenues comme definitives.
Sa pensee a la forme comme le fond, elle fait-image et _apophthegme_.
Esperons, a tant de titres, qu'elle aura cours desormais, qu'elle
entrera en echange habituel chez les meilleurs, et enfin qu'il verifiera
a nos yeux sa propre parole: "Quelques mots dignes de memoire peuvent
suffire pour illustrer un grand esprit[160]."
1er Decembre 1838.
[Note 160: J'ajoutais, en terminant, quelques conseils de detail
relatifs a une future reimpression; ils deviennent inutiles a
reproduire, le voeu que j'exprimais ayant ete surabondamment
rempli.--(Voir encore sur M. Joubert un article de moi au tome 1er des
_Causeries du Lundi_, et l'ouvrage intitule: _Chateaubriand et son
Groupe litteraire..._; il revient presque a chaque page.)]
LEONARD[161]
[Note 161: Cet article a ete donne au _Journal des Debats_ (21 avril
1843), avec destination aux victimes du tremblement de terre de la
Guadeloupe: l'humble obole marquee au nom de Leonard revenait de droit a
ses infortunes compatriotes.]
Dans mon gout bien connu pour les poetes lointains et plus qu'a demi
oublies, pour les etoiles qui ont pali, j'avais toujours eu l'idee de
revenir en quelques pages sur un auteur aimable dont les tableaux riants
ont occupe quelques matinees de notre enfance, et dont les vers faciles
et sensibles se sont graves une fois dans nos memoires encore tendres.
Mais, tout en bercant ce petit projet, je le laissais dormir avec tant
d'autres plus graves et qui ont toute chance de ne jamais eclore. Je ne
m'attendais pas que parler de Leonard put redevenir une occasion qu'il
fallut saisir au passage, un rapide et triste a-propos.
C'est un age en tout assez facheux pour le poete entre dans la posterite
(s'il n'est pas decidement du petit nombre des seuls grands et des
immortels) que de devenir assez ancien deja pour etre hors de mode et
paraitre suranne d'elegance, et de n'etre pas assez vieux toutefois
pour qu'on l'aille rechercher a titre de curiosite antique ou
|