ndie lugubre eclaire d'un dernier reflet son tombeau!
Avril 1843.
ALOISIUS BERTRAND[163]
[Note 163: Ce morceau a ete ecrit pour servir d'introduction au volume
de Bertrand, intitule _Fantaisies a la maniere de Rembrandt et de
Callot_, qui s'est publie par les soins de M. Victor Pavie, alors
imprimeur-libraire a Angers (1842).]
Il doit etre demontre maintenant par assez d'exemples que le mouvement
poetique de 1824-1828 n'a pas ete un simple engouement de coterie,
le complot de quatre ou cinq tetes, mais l'expression d'un sentiment
precoce, rapide, aisement contagieux, qui sut vite rallier, autour des
noms principaux, une grande quantite d'autres, secondaires, mais encore
notables et distingues. Si la plupart de ces promesses resterent en
chemin, si les trop confiants essais n'aboutirent en general a rien de
complet ni de superieur, j'aime du moins a y constater, comme
cachet, soit dans l'intention, soit dans le faire, quelque chose de
_non-mediocre_, et qui meme repousse toute idee de ce mol amoindrissant.
La province fut bientot informee du drapeau qui s'arborait a Paris, et,
sur une infinite de points a la fois, l'elite de la jeunesse du lieu se
hata de repondre par plus d'un signal et par des accents qui n'etaient
pas tous des echos. Il suffisait dans chaque ville de deux ou trois
jeunes imaginations un peu vives pour donner l'eveil et sonner le tocsin
litteraire. Au XVIe siecle, les choses s'etaient ainsi passees lors de
la revolution poetique proclamee par Ronsard et Du Bellay: le Mans,
Angers, Poitiers, Dijon, avaient aussitot leve leurs recrues et fourni
leur contingent. Ainsi, de nos jours, l'aiglon romantique (les ennemis
disaient l'orfraie) parut voler assez rapidement de clocher en clocher,
et, finalement, a voir le resultat en gros apres une quinzaine d'annees
de possession de moins en moins disputee, il semble qu'il y ait
conquete.
Louis Bertrand, ou, comme il aimait a se poetiser, _Ludovic_, ou plutot
encore _Aloisius_ Bertrand, qui nous vint de Dijon vers 1828, est un de
ces Jacques Tahureau, de ces Jacques de La Taille, comme en eut aussi la
moderne ecole, mis hors de combat, en quelque sorte, des le premier feu
de la melee. S'attacher a tracer, a deviner l'histoire des poetes de
talent morts avant d'avoir reussi, ce serait vouloir faire, a la guerre,
l'histoire de tous les grands generaux tues sous-lieutenants; ou ce
serait, en botanique, faire la description des individus plantes dont
les
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