sujet que la particularite que voici:
Trop de latitude accordee au pouvoir militaire en matiere civile avant
amene quelques abus dans une petite ville de Savoie, M. de Maistre
temoigna assez hautement sa desapprobation pour s'attirer, de la part de
l'autorite superieure a Turin, une vive reprimande. Peu de temps apres,
lorsque la Savoie fut envahie, il trouva piquant de se disculper, au
moyen de cette lettre ministerielle, du reproche de _servilisme_ que lui
lancait quelque partisan de la nouvelle republique, quelque fougueux
Allobroge de fraiche date.
L'abbe Raynal etant venu a Aix en Savoie, M. de Maistre, fort jeune
encore, alla le voir avec quelques amis; mais une premiere visite suffit
a la connaissance: l'absence de dignite dans l'homme le detrompa vite
(s'il en etait besoin) des declamations philanthropiques de l'historien.
Du reste aucun evenement proprement dit, ayant trait a la vie exterieure
de M. de Maistre en ces annees, n'a laisse de souvenir; sa situation
etait plus que jamais assise, un mariage vertueux avait acheve de la
fixer; il aurait pu consumer, enfouir ainsi dans l'etude, dans la
meditation, dans ces sortes d'extraits volumineux qu'on fait pour
soi-meme et auxquels manque toujours la derniere main, cette foule de
pensees et de tresors dont on n'aurait jamais demele le titre ni le
poids; il aurait pu, en un mot, ne jamais devenir le grand ecrivain que
nous savons, quand la Revolution francaise eclata et vint degager en lui
le talent, en frapper l'effigie, y mettre le casque et le glaive.
L'armee francaise, sous les ordres de Montesquiou, envahit la Savoie le
22 septembre 1792. Fidele a son prince, le senateur de Maistre partit
de Chambery le lendemain 23; desirant neanmoins juger par lui-meme de
l'_ordre_ nouveau, et profitant d'un decret de sommation adresse aux
emigres, il revint au mois de janvier 93: c'est durant ce sejour
hasardeux qu'il eut sans doute a faire usage, pour sa justification,
de la lettre ministerielle dont on a parle. Suffisamment edifie sur le
regime de liberte, il quitta de nouveau la Savoie en avril, et se retira
a Lausanne, comme dans un vis-a-vis et sur un observatoire commode. Il
passa dans cette ville, de tout temps si eclairee et si ornee alors
d'etrangers de distinction, trois annees entieres, et ne rentra en
Piemont qu'au commencement de 97. Le roi Victor-Ame lui donna pour
mission a Lausanne de correspondre avec le bureau des affaires
etrangeres; et de transme
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