essairement
s'interrompre; il trouva pourtant moyen, sinon d'ecrire, du moins
d'etudier encore. Il y avait a Cagliari, raconte M. Raymond, un
religieux dominicain, Lithuanien de nation et professeur de langues
orientales. Chaque jour M. de Maistre avait a peine acheve son repas
que le Pere Hintz (c'etait le nom du savant) arrivait charge de vieux
livres, et des dissertations s'etablissaient a fond entre eux sur le
grec, l'hebreu, le copte. M. de Maistre y renouvela et y fortifia ses
connaissances philologiques deja si etendues, attentif a remonter sans
cesse aux racines cachees et ne separant jamais de la lettre l'esprit.
La matiere des _Soirees de Saint-Petersbourg_ se prepare.
En quittant la Sardaigne, il passa par Rome et y recut la benediction
du Saint-Pere, lui le plus veritablement _romain_ de ses fils. Arrive
a Saint-Petersbourg le 13 mai 1803, il n'en devait plus repartir que
quatorze ans apres, le 27 mai 1817. Tout ce qui nous reste a examiner
de sa carriere litteraire est la. S'il ne publia en effet, dans cet
intervalle, que l'opuscule sur le _Principe generateur des Constitutions
politiques_, il y composa tous ses autres ouvrages, le _Pape_, les
_Soirees_, (sauf la derniere ecrite a Turin), le _Bacon_, etc., etc. Il
etait parti seul et demeura ainsi plusieurs annees sans avoir pres de
lui sa famille, de sorte que sa vie d'homme d'etude et de savant n'etait
guere interrompue. Ses fonctions diplomatiques d'ailleurs ne lui
prenaient que peu de temps; il representait son souverain, alors si
appauvri, honorifiquement et, autant dire, gratuitement. Je ne veux
citer qu'un trait de sa loyaute desinteressee a l'usage des monarchies,
meme des monarchies representatives. Un jour, a titre d'indemnite pour
des vaisseaux sardes captures, on vint lui compter cent mille livres de
la part de l'empereur; il les envoya a son roi.--"Qu'en avez-vous
fait?" lui demanda quelques temps apres le general charge de les lui
remettre.--"Je les ai envoyees a mon souverain." "Bah! ce n'etait pas
pour les envoyer qu'on vous les avait donnees."--Quant a lui, il lui
suffisait d'avoir un peu de representation pour l'honneur de son maitre:
souvent il dinait seul, avec du pain sec. C'est ainsi que savent vivre
ceux qui croient.
Comme diplomate pratique, il n'est pas difficile de se figurer son
caractere: "Le comte de Maistre est le seul homme qui dise tout haut ce
qu'il pense, et sans qu'il y ait jamais Imprudence", ainsi s'exprimait
un coll
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