es entorses de De
Maistre sont magnifiques et a la Michel-Ange. Les autres, les enrages et
les malins, n'ont donne que des crocs-en-jambe.
Je sais tout ce qu'on peut opposer de front et dans le detail a une
pareille theorie et a l'histoire qu'elle suppose et qu'elle impose. De
ce qu'une chose, selon qu'il le croit, est necessaire pour le salut
moral du genre humain, M. de Maistre en conclut qu'elle est et qu'elle
est vraie. Ce raisonnement est heroique, il mene loin. Chaque esprit
systematique, au nom du meme raisonnement, va nous apporter sa promesse
ou sa menace. M. de Maistre nous dira que, lui, il ne reve pas, qu'il
y a possession pour son idee, qu'il y a le fait subsistant et reconnu;
mais ce fait lui-meme est une question. Pourtant, jusque dans l'exces de
sa theorie pontificale, M. de Maistre ne faisait encore que marquer
sa foi vive et a tout prix au gouvernement providentiel. Bien des
historiens et des philosophes nous parlent dans leurs discours officiels
de la Providence, de laquelle ils ne se preoccupent pas du tout
ailleurs, ne la prenant que comme il prennent leur toque ou leur bonnet
de ceremonie. Le probleme qui consiste a chercher a cette Providence un
signe distinct, un fanal terrestre, auquel on puisse la reconnaitre pour
s'y diriger, demeure tout entier pendant et nous ecrase. Les politiques,
(je ne les en blame pas) et tous les interesses qui font semblant de
croire ont beau voiler l'abime rouvert, l'anxiete douloureuse de bien
des ames le trahit. Entre une Rome a laquelle on ne croit plus qu'assez
difficilement, et une Providence philosophique qui n'est guere qu'un mot
vague pour les discours d'apparat, bien des esprits inquiets et sinceres
se refugient dans une sorte de religion de la nature et de l'ordre
absolu, qui a deja essaye plusieurs costumes en ces derniers temps.
I1 n'entre dans mon dessein ni dans mes moyens de discuter
historiquement un livre tel que celui du _Pape_; dogmatiquement, ce
n'est point aux sceptiques qu'il s'adresse, la _couleuvre_ serait trop
forte du premier coup. C'est aux chretiens plus ou moins separes
et pourtant fideles encore a la hierarchie, c'est aux catholiques
gallicans, aux episcopaux anglicans, aux Eglises grecques photiennes,
qu'il va chercher querelle directe et faire la lecon. Le style en est
grand, male, eclaire d'images, simple d'ordinaire, avec des taches
d'affectation; si on peut noter du mauvais gout par points, on n'y
rencontre jamais du moins de dec
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